11741. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A LONDRES.

Pretzschendorf, 4 janvier 1760.

Après un silence de quatre semaines je viens de recevoir tout à la fois vos dépêches du 4, 7, 11, 14, 18 et 21, dont j'ai été bien aise par les différentes nouvelles qu'elles comprennent. Nous avons reçu hier ici un courrier de Pétersbourg. Par les dépêches du sieur Keith11-3 qu'il nous porta, il paraît que les espérances des Anglais de séparer cette cour de ses alliés est11-4 encore éloignée et fluctuante. La seule espérance qui me reste, est encore que, le favori Schuwalow étant en<12>fièrement dirigé par la France, si celle-ci a autant besoin de la paix qu'on la soupçonne, et qu'elle la veut bien sérieusement, qu'il y aura des moyens pour mettre ledit Schuwalow dans des sentiments pacifiques et gagner par lui sa cour.

Quant à ce que vous me mandez des nouvelles d'Espagne,12-1 je ne veux point vous dissimuler qu'elles m'ont bien affligé et chagriné, parceque les insinuations du nouveau Roi, s'il veut épouser les intérêts de la France, gêneront nécessairement les Anglais dans la négociation de la paix.

L'arrivée du secours de l'armée alliée que nous avons attendu, n'a point obligé M. Daun à quitter sa position. Comme cette position est connue de mon neveu, le prince héréditaire de Brunswick,12-2 je crois qu'il pourra justifier les raisons valables qui m'ont empêché d'entreprendre ici sur l'ennemi des choses dont l'exécution m'a paru impossible, ainsi qu'à toutes gens de guerre.

Je me rapporte à la dépêche détaillée de ma situation présente que je vous ai faite le 1er de ce mois,12-3 et je suis fâché de vous apprendre qu'elle ne s'est améliorée en rien depuis ce temps-là.

Je sens et conviens avec vous qu'il faut proportionner nos prétentions aux succès de nos armes, et je vous avoue que nous serons bien heureux, si par la paix nous pouvons mettre les choses dans la même situation comme elles ont été avant la guerre. Vous êtes au fait de la cruelle situation où je me trouve, et comme il m'en importe beaucoup d'être instruit, le plus tôt que vous pourrez, si vous croyez que la paix pourra se faire, ou si vous croyez que cette négociation traînera en longueur, ou si vous croyez qu'elle échouera tout-à-fait; c'est pourquoi je vous recommande d'y apporter toute votre attention, et je crois que les premiers pourparlers des Anglais et des Français vous mettront en état d'en juger.

Faites tous les compliments convenables de ma part à M. Pitt, et rassurez-le de mon invariable reconnaissance sur toutes les marques réelles de confiance, d'amitié et d'attachement qu'il me donne en toutes occasions; vous tournerez ces compliments de la manière que vous le croyez la plus convenable pour le convaincre de mon estime, de mon amitié et de ma reconnaissance à jamais.12-4

Je n'abuserai du tout de la liberté qu'on m'a laissée de faire instruire par M. Mitchell le [sieur] Keith sur mes intentions relativement<13> à la cour de Pétersbourg; je souhaiterais seulement que de la part du ministère anglais on voudrait inspirer un peu plus d'activité et de zèle, pour ce qui regarde mes affaires à ladite cour, au sieur Keith, qui me paraît n'y pas mettre jusqu'à présent cette chaleur et cet empressement qu'il faut pour désabuser assez cette cour des préjugés et des calomnies que mes ennemis lui ont inspirés et dont elle paraît imbue encore. Vous jugerez vous-même, combien vous pourrez faire usage de ceci auprès des ministres anglais, avec bien de l'adresse, pour ne pas blesser leur délicatesse.

Federic.

Nach dem Concept.



11-3 Vergl. Nr. 11740.

11-4 So.

12-1 Knyphausen und Michel! hatten, London 18. December 1759, berichtet, der König von Spanien habe durch seinen Gesandten Marquis d'Abreu dem Minister Pitt erklären lassen, „qu'il ne saurait voir avec indifférence le dérangement que les conquêtes de l'Angleterre apportent à l'équilibre de l'Amérique, tel qu'il était établi par le traité d'Utrecht, et qu'il désirait, par conséquent, ardemment que la guerre présente pût être terminée promptement par une paix mesurée sur la générosité et la modération de l'Angleterre, à quoi Sa Majesté Catholique s'employerait avec plaisir.“

12-2 Vergl. S. 5.

12-3 Nr. 11733.

12-4 Vergl. Bd. XVIII, 759.