12280. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE FINCKENSTEIN A MAGDEBURG.

Quartier de Leubnitz, près de Dresde, 23 juillet 1760.

Pour continuer de vous informer de ce qui se passe ici, afin que vous en instruisiez mes ministres aux cours étrangères et le public, et les munir par là contre les fausses insinuations et les relations exagérées<516> et furieusement outrées [de mes ennemis], qu'ils prennent à tâche à toute occasion de semer dans le public, je veux bien vous dire, selon la plus exacte vérité, que j'aurais, selon toutes les apparences, fait achever mon siège de Dresde, avant que Daun avec son armée aurait pu retourner en Saxe, si, malheureusement et contre mes dispositions faites, on n'avait infiniment traîné le transport de l'artillerie pesante destinée à ce siège, qui n'arriva que trois jours après que nous nous fûmes déjà rendus maîtres de la Pirnaische Vorstadt, et que nous eûmes achevé nos batteries. Que Daun là-dessus, étant retourné en Saxe avec son armée, qu'il avait fortifiée encore de gros détachements qu'il avait tirés des corps de Laudon et de Beck; il se campa de l'autre rive au delà de l'Elbe, entre les villages de Weissig et de Schœnfeld, à une lieue à peu près de Dresde, ce qui m'obligea de retirer mes postes du Weissen Hirsch et des Fischhäuser et, par conséquent encore, celui du corps près de Nauendorf,516-1 où le duc de Holstein-Gottorp commandait le corps qui avait investi la Neustadt de Dresde au delà de la rivière, pour ne pas trop l'exposer à un ennemi voisin et en tout trop supérieur en nombre à lui; de sorte que j'ai mieux aimé retirer de là de bonne grâce mes détachements de ce côté, que de hasarder de les laisser battre en détail. Voilà d'où il est arrivé que Daun est maître de la ville de l'autre rive de l'Elbe.

Hier matin, avant le lever du soleil encore, Daun fit attaquer par un détachement de 16 bataillons d'infanterie et de l'artillerie notre poste dans la Pirnaische Vorstadt, qui firent une sortie de la ville dans le dessein de s'emparer de nos batteries et de notre artillerie, et d'attaquer les troupes qui les couvraient. Ce dessein leur réussit fort mal, par la vigilance de nos troupes; non seulement nous avons retiré là toute notre artillerie de siège, mais encore presque tous les canons des autres postes détachés au delà de l'Elbe que nous avons abandonnés; et les 16 bataillons sortis furent vivement repoussés et culbutés jusques dans l'enceinte de la ville, à quelle occasion nous avons pris le général Nugent, quelques officiers et jusqu'à 200 hommes prisonniers, de sorte que cette affaire a coûté à l'ennemi jusqu'à 1000 hommes.

Mais, comme Daun a fait construire deux ponts de vaisseaux sur l'Elbe, et qu'il a fait camper son armée auprès de ce qu'on nomme les Scheunen, tout près de la Ville neuve de Dresde, il n'a pas été praticable que j'eusse pu continuer le siège de la ville avec quelque espérance de succès; ce qui m'a fait prendre la résolution de lever ce siège et de camper mon armée ici, en gardant toujours les postes de la Pirnaische Vorstadt et du Grand Jardin. Vous savez déjà par quel accident la ville de Dresde a souffert, contre toute mon intention et contre mes ordres donnés, un assez fort incendie, par où la troisième partie de ses quartiers a été réduite en cendres. Le château, l'arsenal, les deux autres<517> parties de la ville, la grande chapelle catholique avec les autres églises n'en ont cependant pas souffert, hormis peut-être celle de la Sainte-Croix, qui apparemment sera endommagée par la chute de sa tour, qui proprement a occasionné cet incendie.

Pour votre direction je vous dirai que Daun campe auprès desScheunen; Lacy avec son corps entre Gross-Sedlitz et la petite ville de Dohna, un profond défilé devant soi; l'armée de l'Empire derrière Maxen. Vous vous figurerez par là, combien il m'est impossible dans cette situation d'entreprendre quelque chose contre un ennemi si supérieur en nombre.

Federic.

Nach der Ausfertigung.



516-1 Vergl. S. 485.