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708. AU CARDINAL DE FLEURY A ISSY.

Znaym, 23 février 1742.

Monsieur mon Cousin. Vous pouvez juger par la promptitude de mes réponses du plaisir que j'ai de recevoir de vos lettres, elles sont toujours pleines d'instructions pour moi, et je suis ravi de profiter des lumières d'un aussi grand et habile ministre. Vous trouverez ci-joint mes réflexions sur le tableau de l'Europe que vous m'avez envoyé. Je ne les donne point pour infaillibles, car tout ce que peut l'esprit humain sur l'avenir, se borne à de faibles conjectures, que l'ignorance ou les préjugés rendent pour la plupart incertaines et fautives.

Quant à mes opérations, elles font tout l'effet que j'en ai pu espérer. M. de Broglie est hors de tout danger, Prague en sûreté, l'ennemi dans la consternation et le découragement de sorte qu'il se retire en Basseet Haute-Autriche, la Basse-Autriche inondée de nos partis, et nos troupes en état de combattre et de vaincre, lorsque l'ennemi aura l'audace de se présenter, ou la témérité de nous attendre. Sans cette diversion, M. de Khevenhüller se serait replié sur la Bohême, et M. de Broglie aurait couru grand risque, Prague de même, et nos affaires étaient au point d'être perdues. Mais grâce au ciel, notre supériorité est rétablie, et j'ai obligé l'ennemi à suivre l'impulsion que je lui ai donnée en me portant vers l'Autriche et en menaçant Vienne et Presbourg.

Si l'on apprend à connaître les amis dans le danger, je me flatte que mes alliés me trouveront digne de leur confiance et de leur amitié, et je vous réponds que vous pouvez être tranquille sur les affaires d'Allemagne, car je ne me remuerai point d'ici que tout ne soit arrangé selon vos désirs et pour le bien de la cause commune, vous priant d'être persuadé que je suis avec tous les sentiments d'amitié, d'estime et de considération, Monsieur mon Cousin, votre très fidèle et inviolable ami

Federic.

Réflexions.

Jamais la fermentation n'a été aussi générale en Europe qu'elle l'est à présent. Il est sûr qu'on s'attend à de grandes révolutions en Angleterre et en Hollande, il est même impossible que l'esprit inquiet et séditieux des Anglais et Hollandais, une fois mis en mouvement, ne mène à quelque chose de grand et de remarquable.

Mais je ne suis pas porté de croire que la Hollande y procède aussi vivement que l'Angleterre. La troisième augmentation n'a pasencore passé, on n'élira de stadhouder que pour faire la guerre, et la guerre ne se fera que lorsque tous ces préalables seront arrangés. Ceci joint avec la lenteur et le phlègme qui font le caractère dominant de la