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Vous savez que cela surpasse mes forces et je doute que ce soit du goût de l'Angleterre.

Quelque peu d'apparence qu'il y a d'effectuer un revirement de système en Russie, j'ai cru néanmoins devoir tenter l'aventure. Sans vous rendre le détail de l'intrigue, il suffit que vous sachiez que le père1 du médecin de Schuwalow le favori lui offrira un million pour le mettre dans mes intérêts. Je ne vous parle point de la peine que j'ai à trouver cet argent; suffit, je l'ai fait et le ministre d'Angleterre résidant à Pétersbourg a été prié de se charger de la correspondance relative à cette affaire.

Je confesse, cependant, que je ne me promets pas grande chose de ces deux négociations, 1° parceque Schuwalow est Français à brûler, 2° parcequ'il est entré trop en avant avec la cour de Vienne et que peut-être il n'est pas le maître de rompre d'abord ses engagements, 3° parceque la cour de Pétersbourg a des vues sur la Prusse et qu'elle se flatte d'ajouter cette conquête à ses vastes États. Pour ce qui est de la Suède, je crois qu'il sera possible de saper le parti français, mais je crains que l'article des subsides ne fasse manquer le grand coup.

J'en viens à présent à la France. Cette puissance est sans doute le grand mobile de cette alliance, par son crédit même en Russie, pour les secours pécuniaires qu'elle fournit aux princes de l'Empire qu'elle a engagés à combattre pour la cause de l'Impératrice-Reine, et parceque, si l'on peut séparer la France de l'alliance de nos ennemis, je répondrai que le reste de l'édifice s'écroulerait de soi-même comme un bâtiment ruineux sapé dans ses fondements. Il reste à examiner quels moyens il convient d'y employer pour y parvenir.

On croit en Angleterre que je pourrais m'ouvrir des canaux dans ce pays-là par les amis que j'y peux avoir. Mais vous savez que les gens en place sont tout nouveaux, avec lesquels je n'ai jamais eu la moindre liaison; qu'au contraire le parti dominant fait profession de se déclarer de mes ennemis. Comptez pour ceux-là le Dauphin, la Pompadour et le duc de Choiseul; les dispositions de ces personnes seules m'empêchent de rien faire dans ce pays-là. Ce seraient des obstacles qui seraient peut-être à vaincre, dira-t-on; mais examinons, dans la position où se trouve la France, qui, de l'Angleterre ou moi, pourrait le plus tôt acheminer les choses à la paix.

Les discussions d'intérêts sont toutes entre la France et l'Angleterre; cela roule sur leur commerce, sur leurs possessions aux Indes Orientales et Occidentales; et, si les Français y prennent quelque intérêt pour le Continent, il y a bien des bruits et des apparences qui font soupçonner qu'ils ont des vues sur la Flandre, dont, par un traité, l'Impératrice leur a cédé quelques villes.2 Que puis-je faire en tout



1 So; statt „frère“ .

2 Im Theilungsvertrag von Versailles vom 1. Mai 1757. Vergl. Schäfer a. a. O. Bd. 1, S. 283.