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J'en viens à la manière dont on pourrait procéder pour faire la paix, et je vous avoue que la proposition d'un congrès me répugne par trois raisons. Primo, parceque c'est la voie la plus lente pour parvenir à la paix et que la cour de Vienne ne négligera aucune occasion pour traverser ou embrouiller les négociations, comme c'est son jeu; secundo, les trois cours restant unies et se sentant puissantes et supérieures, voudront nous imposer des lois dures et inacceptables, ce qui n'est pas le moyen de faire la paix; tertio, observez que, si l'on invitait la Suède dans les circonstances présentes à ce congrès, ce serait le trait le plus maladroit qui pourrait échapper à la politique dans un temps où un fort parti talonne le Sénat et où, avec le secours de l'argent qu'on y fait couler, il y a apparence que la faction de la cour renversera la faction française, et vous sentez que cette invitation au congrès fournirait des armes aux sénateurs français pour justifier leur conduite à la face de la nation et à l'encourager encore à faire la campagne prochaine, sûre de trouver avec l'aide de ses alliés des avantages considérables à la paix générale.

Tout ceci me confirme donc dans l'idée qu'il nous conviendrait de toute façon de séparer les Français de l'alliance des Autrichiens et des Russes. Et, quant aux conditions que l'Angleterre pourrait stipuler pour mes intérêts, elles pourraient contenir 1° que les Français évacueraient toutes mes possessions dont ils se sont nantis, qu'ils se borneraient scrupuleusement à leur corps de 24000 hommes qu'ils doivent fournir selon leur alliance,1 et qu'ils ne paieraient plus de subsides ni aux Russes, ni en Suède, ni aux Princes de l'Empire pour me faire la guerre. Si, avec cela, le roi d'Angleterre veut bien s'engager à me fournir ses troupes allemandes, bien loin de regarder cette paix séparée avec la France comme un abandon, je la regarderai comme le plus grand service qu'il pourra me rendre, parceque certainement la guerre ne tardera pas de finir, et la cour de Vienne, privée d'un aussi puissant appui, sera obligée de se prêter à la paix, tant par l'épuisement de ses finances que manquant de cette supériorité qui l'a encouragée à soutenir la guerre jusqu'ici.

Ce sont donc là mes sentiments, et je compte qu'avec ma dépêche précédente et celle-ci qui peut y servir de supplément, vous devez être amplement instruit de mes intentions et vous trouver en état d'en rendre un compte exact aux ministres que vous avez vis-à-vis de vous.

Federic.

An den Gr[afen] Finck zu communiciren !

Nach dem eigenhändigen Entwurf.



1 Vergl. Bd. XII, 509.