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C'est sur ces deux remarques que je fonde mes conjectures, et voici les choses qui me paraissent évidentes comme le jour :

1° Que la France n'a pu persuader à ses alliés de lui confier leurs intérêts respectifs.

2° Que la reine de Hongrie ne se prête qu'à contre-cœur aux vues pacifiques de la France, que peut-être même elle se flatte d'en profiter, si elle peut, par le moyen de cette négociation, détacher l'Angleterre de la Prusse.

3° Qu'en adhérant, par complaisance, à la négociation particulière de la France et de l'Angleterre, elle n'a voulu entendre parler que d'un congrès, parceque connaissant la lenteur des négociations qui se traitent de cette espèce, elle se flatte de tenter encore les hasards de cette campagne, en espérant qu'il lui arrivera quelque évènement favorable qui lui donne plus d'ascendant dans la négociation entamée.

Cette dernière conjecture me paraît d'autant plus évidente que l'Impératrice et ses alliés n'ont point proposé de suspension d'armes. Cette circonstance trahit leur secret et découvre que la tenue du congres n'est qu'une leurre pour le public, qui peut avoir en vue plus d'un objet, savoir :

1° De donner des espérances d'une prompte paix à ses sujets, pour les engager à payer plus volontiers les gros impôts qu on exige d'eux.

2° D'en imposer aux Espagnols, au cas qu'ils voulussent soutenir leurs prétentions sur l'Italie, en leur montrant une négociation entamée et prête à se conclure.

3° Peut-être pour en imposer également au Turc, au cas qu'il eut quelque dessein contre les États de la Reine. Quoique ceci ne soient que des conjectures, il est cependant certain que le fond de la chose renferme des vérités en elle.

Quant à ce qui nous concerne dans cette affaire, il me semble que, si les Anglais proposent un armistice général, que ce sera le moyen de tâter le pouls aux cours ennemies, ce qui les obligera malgré elles à dévoiler leurs secrètes intentions.

J'ai nommé les ambassadeurs pour le congrès, mais, s'il n'est précédé par une suspension d'armes, il faut regarder cet apparat comme nul de toute nullité. Par conséquent, il faut dresser les instructions des ambassadeurs à prêter simplement l'oreille aux propositions qu'on leur fera, et à les prendre ad referendum, en-déclarant qu'ils n'étaient pas autorisés à traiter sur ces points, tantôt à demander des déclarations plus recevables que celles-là; mais à ne se point déboutonner, parceque ce ne sera ni les bonnes raisons ni leur éloquence qui nous procurera une bonne paix, mais le sort des armes durant cette campagne.

Si la paix doit avoir lieu, il faut établir pour base une restitutionin integrum, telle qu'ont été nos possessions en 1756, et, pour l'obtenir, il faut mettre en avant, selon que notre manifeste le porte, que les