12444. AU FELD-MARÉCHAL PRINCE FERDINAND DE BRUNSWICK.

Coswig, 25 octobre 1760.

J'ai reçu la lettre que Votre Altesse m'a faite du 22 de ce mois, par laquelle j'ai vu avec douleur le désastre qui est arrivé à notre cher neveu,31-3 et les circonstances qui l'ont obligé à lever le siège de Wesel. Permettez, cher Prince, qu'à l'occasion du chagrin que je ressens sur cette affaire, je vous parle tout naturellement et selon que le devoir d'une amitié pure que je vous ai consacrée, l'exige. Je vous explique tout naturellement les véritables pensées de mon cœur sur cette affaire, et en conséquence je vous dirai tout ingénûment que, si vous aviez pensé, je ne veux pas dire en général prussien, mais en bon allié du roi de Prusse et à ce que les intérêts de la cause commune auraient demandé, vous aurez dû envoyer le Prince héréditaire avec le gros détachement que vous lui avez subordonné, vers la Saxe, ce qui aurait infiniment dérangé M. de Broglie, empêché le prompt secours que les Français étaient à même d'envoyer par les Pays-Bas, et m'aurait bien soulagé dans mes opérations contre les Russiens et les<32> Autrichiens, au grand bien de notre cause commune. Vous vous souviendrez que j'ai envisagé d'abord le projet sur Wesel, sinon comme chimérique, au moins comme très sujet à manquer;32-1 à présent vous en voyez les suites.

Mes malheurs que j'ai eus à supporter cette campagne, ont été bien plus étendus et plus considérables que ceux qui viennent de vous arriver; le nombre des miens m'ont dû rendre presque insensible à tous autres malheurs, et seriez-vous surpris, quand je vous dirais que vous ne sauriez presque vous promettre, dans le moment présent, de compassion de ma part, quelque touché que j'en sois autrement? Votre bonheur est que la campagne soit avancée au point que les Français ne sauraient plus faire des progrès du côté de Münster. Considérez, je vous prie, combien votre armée est plus forte en nombre que la mienne, à proportion des ennemis que nous avons vis-à-vis de nous; voudriez-vous vous amuser toujours à compter le nombre des bataillons et des escadrons de l'ennemi, vous n'en avancerez guère.

Autant que je puis juger sur le désastre du Prince, le malheur ne lui est arrivé que parcequ'il n'a pas pu agir contre les Français à forces réunies et conformément à une bonne disposition faite préalablement. Au reste, je prends la même part à votre détresse, comme vous me témoignez prendre aux miennes.

Federic.

Nach der Ausfertigung im Kriegsarchiv des Königl. Grossen Generalstabs zu Berlin.



31-3 Der Erbprinz war am 16. October von dem französischen General de Castries bei Kloster Camp geschlagen worden.

32-1 Vergl. Nr. 12437.