12556. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION DE BORCKE A COPENHAGUE.

Meissen, 29 novembre 1760.

Je vous avertis au préalable qu'il faut de toute nécessité que vous déchiffriez vous-même cette lettre, afin de pouvoir d'autant plus me répondre du secret de ce qu'il comprend. #Comme j'ai remarqué par les rapports que vous m'avez faits depuis quelque temps que les affaires des bien intentionnés et du parti patriotique en Suède prennent un tour assez favorable à la Diète pour embarrasser le Sénat sur les mauvaises démarches qu'il a faites contre moi et contre les vraies constitutions du royaume, mais que le comte Horn128-3 saurait être bientôt à sec en fonds, pour faire des largesses afin d'augmenter le nombre de son parti, je me suis déterminé là-dessus à employer une certaine somme en argent, pour subvenir à cet usage, principalement dans l'intention de faire désapprouver par les états cette injuste guerre qui, par les intrigues du Sénat, m'a été suscitée de la Suède. Mon ministre le comte de Finckenstein est donc chargé de moi128-4 de<129> vous faire remettre d'abord et au préalable la somme de 50000 écus de notre argent avec tout le secret possible et de sorte que personne, là où vous vous trouvez, s'en puisse apercevoir. Il ne s'agit du tout à présent de la valeur que cette somme en notre argent puisse avoir selon le cours de change présentement en Suède, il suffit que vous soyez en possession de cet argent, aussi je n'attends point à présent votre rapport sur cet article.

Je vous adresse, d'ailleurs, ci-clos un petit billet chiffré pour ma sœur la reine de Suède,129-1 au sujet duquel je veux que vous le fassiez passer le plus promptement qu'il y aura moyen, mais avec tel secret et telles précautions prises de votre part afin que personne au monde n'en sache rien pénétrer, et qu'il arrive sûrement aux mains propres de madite sœur. C'est à elle que j'ai laissé la disposition libre de cette somme; elle vous avertira d'une façon ou d'autre comment elle pourra retirer de vous cet argent sans éclat et sans qu'âme qui vive s'en puisse apercevoir. C'est en conséquence donc que vous vous conformerez exactement aux instructions qu'elle vous donnera à ce sujet.

Quand je verrai que cette somme sera bien employée à l'usage auquel je la destine, et qu'il y ait de bonnes apparences que je saurais parvenir au but principal où j'en vise, je pourrai bien doubler cette somme et au delà, selon les conjonctures.

Je vous recommande extrêmement cette affaire, afin que vous vous preniez là-dessus avec toute la prudence, tout le savoir-faire et toute la discrétion dont vous êtes capable, et dont vous me répondrez. Il n'y a que moi et le comte de Finckenstein auxquels vous sauriez vous ouvrir là-dessus.

Federic.

Nach dem Concept.



128-3 Graf Horn war das Haupt der „patriotischen“ oder „Landpartei“ . Vergl. Schäfer a. a. O. Bd. II, Abth. 2, S. 182.

128-4 Vergl. Nr. 12555.

129-1 Nr. 12557.