12608. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN ET AU SECRÉTAIRE MICHELL A LONDRES.

[Leipzig, 28 décembre 1760.]167-3

Réponse à Knyphausen!

Nos167-4 dépêches se sont croisées, à ce que je vois, et quoique j'aie déjà répondu en grande partie à tout ce que vous me demandez, je ne laisserai cependant pas d'y ajouter quelques réflexions.

Vous êtes déjà instruit de mes négociations à Pétersbourg ainsi qu'en Suède;167-5 ainsi je n'y ajoute que ceci que, si la cour de Pétersbourg a intention de garder la Prusse, il n'y a aucune négociation à entamer avec elle, ou, si elle me demande des cessions en faveur de la reine de Hongrie, vous devez savoir et vous pouvez croire que je n'y consentirai de ma vie; mais si l'on peut gagner le favori,167-6 malgré sa prédilection déclarée pour tout ce qui est français, j'ai pris la voie la plus sûre pour lui faire des insinuations.167-7 II ne serait peut-être pas inutile de pressentir la cour où vous vous trouvez, si elle trouverait convenable d'y ajouter l'offre d'un subside de paix. Quant à l'article de la cour de Vienne, je crois qu'on doit assez connaître en Angleterre que sa coutume n'est pas de se prêter de bonne grâce à la paix, et tant que ses alliés lui seront fidèles, il ne faut rien présumer de son côté. Je m'en rapporte pour la Suède et la France à ce que je vous ai écrit dans ma grande dépêche du [19].167-8

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J'en viens à la manière dont on pourrait procéder pour faire la paix, et je vous avoue que la proposition d'un congrès me répugne par trois raisons. Primo, parceque c'est la voie la plus lente pour parvenir à la paix et que la cour de Vienne ne négligera aucune occasion pour traverser ou embrouiller les négociations, comme c'est son jeu; secundo, les trois cours restant unies et se sentant puissantes et supérieures, voudront nous imposer des lois dures et inacceptables, ce qui n'est pas le moyen de faire la paix; tertio, observez que, si l'on invitait la Suède dans les circonstances présentes à ce congrès, ce serait le trait le plus maladroit qui pourrait échapper à la politique dans un temps où un fort parti talonne le Sénat et où, avec le secours de l'argent qu'on y fait couler, il y a apparence que la faction de la cour renversera la faction française, et vous sentez que cette invitation au congrès fournirait des armes aux sénateurs français pour justifier leur conduite à la face de la nation et à l'encourager encore à faire la campagne prochaine, sûre de trouver avec l'aide de ses alliés des avantages considérables à la paix générale.

Tout ceci me confirme donc dans l'idée qu'il nous conviendrait de toute façon de séparer les Français de l'alliance des Autrichiens et des Russes. Et, quant aux conditions que l'Angleterre pourrait stipuler pour mes intérêts, elles pourraient contenir 1° que les Français évacueraient toutes mes possessions dont ils se sont nantis, qu'ils se borneraient scrupuleusement à leur corps de 24000 hommes qu'ils doivent fournir selon leur alliance,168-1 et qu'ils ne paieraient plus de subsides ni aux Russes, ni en Suède, ni aux Princes de l'Empire pour me faire la guerre. Si, avec cela, le roi d'Angleterre veut bien s'engager à me fournir ses troupes allemandes, bien loin de regarder cette paix séparée avec la France comme un abandon, je la regarderai comme le plus grand service qu'il pourra me rendre, parceque certainement la guerre ne tardera pas de finir, et la cour de Vienne, privée d'un aussi puissant appui, sera obligée de se prêter à la paix, tant par l'épuisement de ses finances que manquant de cette supériorité qui l'a encouragée à soutenir la guerre jusqu'ici.

Ce sont donc là mes sentiments, et je compte qu'avec ma dépêche précédente et celle-ci qui peut y servir de supplément, vous devez être amplement instruit de mes intentions et vous trouver en état d'en rendre un compte exact aux ministres que vous avez vis-à-vis de vous.

Federic.

An den Gr[afen] Finck zu communiciren !

Nach dem eigenhändigen Entwurf.

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167-3 Das Datum nach der Ausfertigung.

167-4 In der Ausfertigung steht am Anfange des Schreibens: „Les rapports que vous m'avez faits du 12 et du 16 de ce mois, m'ont été fidèlement remis.“

167-5 Vergl. S. 156. 157.

167-6 Iwan Schuwalow, vergl. S. 153.

167-7 Vergl. Nr. 12593.

167-8 Nr. 12597.

168-1 Vergl. Bd. XII, 509.