12770. AU CONSEILER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A LONDRES.

Meissen, 27 mars 1761.

Après que je viens de recevoir par estafette une dépêche de mon ministre à Copenhague du 20 de ce mois, à la suite de laquelle il m'envoie la copie ci-close d'un projet de déclaration à faire à Sa Majesté Britannique et à moi de la part des puissances belligérantes287-3 que<288> le marquis d'Havrincour venait de communiquer au gouvernement de Suède, comme concerté et approuvé par tous les alliés de la cour de France et dont nous en aurions au plus tôt des nouvelles plus directes, je n'ai pas voulu hésiter de vous faire communication incessamment de la pièce telle que je l'ai reçue.

Afin de vous prévenir d'abord de mes intentions là-dessus et de gagner le temps qu'une communication préalable de la part de l'Angleterre demanderait, au cas qu'elle aura reçu directement cette déclaration, je suis bien aise de vous dire que, selon mon sentiment, cette déclaration ne sera point à refuser, mais qu'un congrès solennel, tel qu'on le propose à assembler à Augsburg, ne ferait que de traîner éternellement la négociation et la rendre aussi difficile qu'épineuse, que plutôt toute cette affaire devait être traitée seule entre l'Angleterre et la France, ce qui en rendrait le succès d'autant plus prompt et presqu'immanquable. Qu'il me paraît nécessaire, d'ailleurs, que le ministère anglais insiste, afin que la France doit envoyer son ambassadeur pour traiter à Londres. 11 est fort à présumer que celle-ci s'y prêtera, ce qui rendra alors la cour de Londres maîtresse de toute la négociation et qu'elle la saura diriger à son gré, au lieu que, si l'Angleterre condescend à ce que la négociation se traite principalement à Paris, la cour de Versailles en sera la maîtresse.

Que, quant à l'article de la suspension d'armes, et que tout reste en attendant en statu quo, je crois qu'il conviendra à toutes les parties intéressées de l'accepter.

Voilà mon sentiment que vous saurez déclarer aux ministres d'Angleterre dans le cas qu'ils vous en parlent. Vous devez même les en prévenir d'abord, en leur montrant la déclaration susdite in extenso, supposé qu'ils n'en eussent pas reçu encore des nouvelles, ce que cependant je ne présume pas.

Federic.

Borcke übersendet, Kopenhagen 20. März, „la copte d'un projet de déclaration ... que le marquis d'Havrincour vient de communiquer au gouvernement de Suède“ :

„Les dispositions à la paix très conformes aux sentiments de toutes les puissances belligérantes que les rois d'Angleterre et de Prusse ont marquées l'année passée, ayant éprouvé des difficultés qui en ont éloigné le succès, les cours de France, de Stockholm, de Vienne, de Pétersbourg et de Varsovie sont convenues unanimement de proposer à celles de Londres et de Berlin de renouer une négociation aussi salutaire au bonheur du monde, et qui doit intéresser l'humanité de toutes les puissances qui se trouvent en guerre.

Il y a deux moyens de procéder au rétablissement de la paix. Le premier en assemblant un congrès dans une ville neutre et à portée de toutes les parties intéressées. Si le roi d'Angleterre et le roi de Prusse adoptent ce moyen, Sa Majesté Très-Chrétienne, le roi de Suède, l'Impératrice-Reine, l'impératrice de Russie et le roi de Pologne, électeur de Saxe, proposent la ville d'Augsburg pour le lieu du congrès, en observant que Leurs Majestés n'indiquent Augsburg que comme une ville qui paraît remplir par son emplacement la convenance de tous les États, et qu'Elles ne se refuseront pas au choix d'une autre ville, si Sa Majesté Britannique et Sa Majesté le roi de Prusse le jugent convenable. Sa Majesté Très-Chrétienne, le roi de<289> Suède, l'Impératrice-Reine, l'impératrice de Russie et le roi de Pologne déclarent en outre qu'ils ont choisi les plénipotentiaires qui seront chargés de leurs intérêts au congrès, dans l'espérance que le roi d'Angleterre, le roi de Prusse et leurs alliés, pour ne pas différer la négociation, feront promptement de leur côté le choix de leurs ministres respectifs.

Le second moyen qui accélerait vraisemblablement la négociation, parcequ'ils éviteront les longueurs inséparables d'un congrès et le cérémoniel que cette forme entraîne après elle, serait que toutes les puissances belligérantes convinssent qu'il y eût deux assemblées de ministres, l'une à Paris et l'autre à Londres, selon les alliances réciproques. Dans ce cas, la cour d'Angleterre traiterait directement pour elle et ses alliés vis-à-vis de la France, qui, de son côté, serait chargée de conduire la négociation de ses alliés, et le roi d'Angleterre enverrait un ministre à Paris pour correspondre avec la cour et pour les objets du détail, à moins que Sa Majesté Britannique ne jugeât plus à propos que Sa Majesté Très-Chrétienne envoyât pendant la négociation un ministre français à Londres. Il est évident que, les plénipotentiaires de toutes les puissances belligérantes se trouvant rendus dans deux capitales, où la négociation serait établie, elle sera infiniment plus prompte, et ce moyen proposé, s'il ne convient pas pour la confection du traité général et définitif, pourrait du moins être adopté pour l'arrangement des préliminaires.

Sa Majesté Très-Chrétienne, le roi de Suède, l'Impératrice-Reine, l'impératrice de Russie et le roi de Pologne proposent l'alternative de ces deux moyens au roi d'Angleterre, au roi de Prusse et à leurs alliés, en y joignant l'offre d'une suspension d'armes dans toutes les parties où le feu de la guerre est allumé; laquelle suspension d'armes sera limitée ou illimitée, ou n'existera pas, au choix de Leurs Majestés Britannique et Prussienne. La simplicité de cette déclaration que, pour le bien général, les cours de France, de Stockholm, de Vienne, de Pétersbourg et de Varsovie se sont déterminées à faire aux cours de Londres et de Berlin, leur fait espérer que le roi d'Angleterre et le roi de Prusse voudront bien notifier par une réponse prompte leur sentiment sur un objet aussi essentiel au repos et au bonheur de l'Europe.“

Nach dem Concept. Der Bericht Borckes nach der an Knyphausen übersandten Abschrift.



287-3 Der König dankt am 27. März dem Gesandten von Borcke für die schleunige Zusendung der Declaration und bemerkt: „Je la crois authentique et serai bien aise que vous continuiez à m'informer de tout ce que vous apprendrez à ce sujet intéressant.“