12792. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A LONDRES.

Meissen, 4 avril 1761.

La dépêche que vous m'avez faite du 24 [du mois passé], vient de m'être rendue. Content que je suis du soin que vous m'avez marque à m'informer par là de tout ce qui mérite mon attention, je vous en sais parfaitement gré. J'apprends, d'ailleurs, avec satisfaction que les ministres anglais n'ont été du tout effarouchés de la somme que je leur ai demandée en bloc dans l'existence du cas présupposé.306-4 Il est vrai, et je l'avoue à vous seul, que je me suis déterminé à cette somme véritablement en bloc, n'ayant jamais pu pénétrer ni le nombre des troupes que dans ce cas-là l'Angleterre me destine, ni à quoi se mon<307>terait alors leur entretien. J'attendrai, en attendant, tout tranquillement ce que le sieur Mitchell aura ordre de me proposer.

Comme vous me demandez mes instructions précises sur ce que vous aurez à insinuer aux ministres dans le cas que je souhaiterais qu'ils se remuassent au delà du principe qu'ils se sont formé, de voir venir la France pour faire la première ouverture tendante à une pacification générale, je suis bien aise de vous faire observer que je mets pour préalable qu'il importe autant à l'Angleterre qu'à moi de parvenir promptement à une pacification honorable. Que, ce principe posé, je ne voudrais jamais conseiller ni inspirer aux ministres susdits aucune démarche qui fût contraire également à notre dignité qu'à la gloire du royaume et de la nation anglaise; mais qu'il faut, cependant, prendre en considération qu'en attendant que nous restons à voir venir la France, les deux cours impériales travaillent sans cesse à raidir la France contre la paix qu'elle a désirée si fortement et avec tant d'éclat. Il n'est pas douteux que la France n'ait songé sérieusement à la paix; les pas qu'elle a faits vis-à-vis à ses alliés et surtout par ses déclarations formelles et éclatantes en Suède,307-1 en pourront servir de sûrs garants. On a même lieu de croire que les premières ouvertures qu'elle en a fait passer en Russie, ont ébranlé la cour de Pétersbourg; mais il ne faut pas douter que celle de Vienne n'ait pensé bien différemment, qu'elle aura craint peut-être de heurter de front les dispositions pacifiques de celle de Versailles, et que cette considération et la crainte d'une paix séparée de la France lui ait arraché une réponse vague et favorable en apparence aux vues de la France, mais qu'elle n'aura moins travaillé dès lors à les traverser et nommément par la cour de Russie, en prenant celle-ci par ses faibles ordinaires de vanité, des espérances pour garder la Prusse et:d'autres. Voilà pourquoi il pourrait arriver facilement que, si nous restons â attendre tout tranquillement de voir venir la France, et que nous ne fassions aucune démarche pour nous l'approcher tant soit peu, il pourra bien arriver que la France, obsédée continuellement par les insinuations insidieuses des deux cours impériales et animée par ses nouveaux succès dans la Hesse, se laissât entraîner à tenter le hasard d'une nouvelle campagne et à garder le silence vers nous sur ses sentiments pacifiques, afin que, si elle prospère dans ses expéditions de la campagne qui vient, elle sache donner le ton dans une négociation future de paix et de la négocier avec un avantage marqué.

Pour la prévenir donc, et pour ne pas laisser écouler inutilement les moments précieux avant l'ouverture de la campagne et pendant que la France est imbue encore de ses sentiments pacifiques, mon avis est que les ministres anglais, sans s'exposer directement, prissent le parti de charger, soit le ministre de la république de Hollande soit celui d'Espagne ou quelque autre, par main tierce de s'expliquer avec le<308> ministre de France, en se servant de prétexte des déclarations que la France a faites publiquement en Suède, si elle ne voudra pas mettre fin à cette cruelle guerre et réaliser ce qu'elle avait déclaré à Stockholm à ce sujet, et qu'elle trouverait la cour de Londres alors dans une assez bonne disposition pour contribuer à ces vues salutaires, pourvu qu'elle daignât de s'expliquer à celui-ci.308-1

Voilà ce qui, selon moi, opérerait que le ministre de France fallût s'expliquer absolument; au moins saurait[-on] par sa réponse à quoi on était avec la France sur ses vues et sur ses intentions véritables, et, la glace une fois rompue, on parviendrait pas à pas à ses vues.

Je serais bien aise, si vous saurez parvenir à faire goûter cette idée aux ministres anglais, auxquels vous l'insinuerez avec toute l'adresse convenable le plus tôt mieux pour profiter encore des moments propres à cela qui nous restent avant l'ouverture de la campagne et pour déranger les projets de nos ennemis.

Monsieur Spœrcken est reconnaissant, il faut l'avouer.308-2 Sans Syburg, il n'aurait rien fait, et ses 200 Saxons sont des déserteurs prussiens.

Federic.

Nach dem Concept. Der Zusatz eigenhändig auf der im übrigen chiffrirten Ausfertigung.



306-4 Der König hatte in der Unterredung mit Mitchell (vergl. S. 256. Anm. 1) die Summe auf 9 Millionen Reichsthaler angegeben.

307-1 Vergl. Nr. 12770.

308-1 So.

308-2 Die preussischen Gesandten hatten mit einem Postscriptum ihres Berichtes eine ihnen vom Baron Philipp Münchhausen in London übergebene Beschwerdeschrift des Generals Spörcken, d. d. Hauptquartier Schweinsberg (nordöstl. von Giessen) 8. März, übersandt, worin derselbe sich darüber beklagte, dass der General Syburg „von den diesseitigen Kriegesgefangenen [den bei Langensalza gefangenen Sachsen bei die 200 Mann aus Reihen und Gliedern zu ziehen, und theils in der Güte, theils halb mit Gewalt anzuwerben“ , auch die mit erbeuteten Sachen beladenen Wagens wegnehmen zu lassen für gut befunden habe. Die mündliche Resolution des Königs auf dieses Postscriptum, wie sie am Rande desselben von dem Cabinetssecretär aufgezeichnet wurde, lautete: „Ich glaubte nicht, dass Spörcken Ursach' haben würde, sich über uns zu beklagen, die ihm damals in seinem Vorhaben alle Assistance gethan hätten. Die Tour, so er genommen, wäre etwas ingrat und grob, und was die 200 Mann angehe, so wäre alles, was wir dermalen von Gefangenen nach Leipzig von denen Sachsen bekommen, nichts anders als preussische Deserteurs gewesen, die zu denen Sachsen gelaufen. Es ist alles outriret worden, und die Tour des Spörcken noch eine von dem alten hannoverschen Sauerteig, auch so grob wie möglich.“