12834. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN ET AU SECRÉTAIRE MICHELL A LONDRES.

Meissen, 20 avril 1761.

J'ai reçu par le courrier Diederich les dépêches que vous m'avez faites du 7 et du 10 de ce mois, et ma satisfaction a été parfaite, quand j'y ai vu que les ministres anglais ont à la fin prévenu presqu'en tout ce qui a fait l'objet de mes dépêches dernières à vous.346-1 J'en dois à présent très bien espérer de tout pour que ces ministres continuent dans ce chemin auquel ils viennent d'entrer. Les idées selon lesquelles ils pensent de négocier à présent la paix en conséquence des pièces que vous avez jointes à votre dernier rapport susdit, sont tout-à-fait bonnes. Aussi vous empresserez-vous de leur faire de ma part à ce sujet un compliment très poli et des mieux tournés, pour leur assurer en mon nom combien je suis sensible à cette nouvelle et éclatante preuve qu'ils viennent de me donner de leurs sentiments et de leurs bonnes intentions invariables à mon égard, ce qui avait confirmé en moi cette extrême confiance que j'avais toujours mise en eux, et agrandi mon estime et ma reconnaissance, si elles étaient sujettes d'augmentation, de sorte que je pourrai toujours remettre mes intérêts à leur probité distinguée. Quant au sieur Pitt, vous ne manquerez pas surtout de lui faire en particulier un compliment très affectueux de ma part sur ceci.

Je ne suis du tout jaloux sur ce que ces ministres ont demandé à la France d'envoyer quelque ministre à Londres pour négocier là avec lui la paix; tout au contraire, j'y applaudis. Ce sera le moyen le plus infaillible qu'ils se rendent maîtres de la négociation, tout comme je l'avais d'abord souhaité, et d'acheminer d'ailleurs les affaires à une fin prompte et heureuse, ce qui fait actuellement et parmi les conjonctures présentes critiques le principal article.

Je suis fermement persuadé que, dès que l'Angleterre se sera entendue avec la France sur ce qui concerne leurs convenances particulières, et qu'ils auront pris ensuite entre eux, et en communiquant préalablement avec moi, un concert au sujet des affaires de l'Allemagne, ces deux puissances sauront écarter tous les obstacles qui sauront se présenter au congrès pour mener les affaires aussi de [ce] côté-là à une pacification très prompte et salutaire. Un article qui m'a fait surtout plaisir, c'est que les ministres anglais sont dans l'idée, tout comme moi, que, sans une suspension d'armes générale préliminaire, on ne saurait négocier avec aucune espérance de succès au congrès.

<347>

Pour ce qui regarde la médiation de la Russie que le prince Galizin a offerte,347-1 je vous avoue que je n'y entends rien, et que je ne saurais m'en former aucune idée, vu qu'il me paraît bien incongru qu'une des parties belligérantes voulût également agir en médiatrice. Si cette médiation offerte ne porte que sur les différends entre l'Angleterre et la France, je crois entrevoir alors la même incongruité, vu le grand éloignement des distances entre ce pays et celui de Russie, dont les courriers seuls, en y allant et venant, absorberaient la plupart des moments précieux et donneraient occasion à des longueurs infinies. Voilà pourquoi je crois que les ministres anglais sauront bien décliner poliment et même avec décence cette médiation, ne fût-ce que par la grande distance et par la situation des lieux.

Les différends entre le sieur Pitt et le duc de Newcastle347-2 ne sauraient guère m'intéresser, et pourvu qu'ils concluent tous deux à la paix et qu'on y procède promptement à la faire constater, il me sera indifférent si l'un tient pour nécessaire ce que l'autre ne qualifie que de convenable.

Quant à ce qui regarde l'article des évêchés vacants en Allemagne,347-3 il faut absolument qu'il y ait eu là quelque malentendu de la part des ministres de Hanovre, lesquels aussi mon ministre le comte de Finckenstein a déjà désabusés et rectifiés, et jamais mes intentions n'ont été autres à ce sujet que celles conformément aux sentiments des ministres anglais, sur quoi ils peuvent compter sûrement.

Pour ce qui concerne le landgrave de Cassel, vous devez convenir qu'il aurait été trop dangereux de heurter de front ce Prince dans la mauvaise situation où ses États se sont trouvés et se trouvent encore; ainsi pour l'adoucir et pour ne le pas faire cabrer entièrement, je n'ai su prendre aucun autre parti que de lui laisser entrevoir de l'espérance qu'on ménagerait ses intérêts à la paix, autant que les circonstances le permettraient.347-4

Je né saurais finir ces articles, sans vous le répéter encore que je suis tout-à-fait éloigné de concevoir la moindre jalousie sur ce que les ministres anglais voudront négocier de la paix à Londres avec un ministre français, que, tout au contraire, je crois que c'est le moyen le<348> plus efficace pour parvenir à une prompte conclusion, que, d'ailleurs, je me repose sur la probité et la droiture des ministres anglais, tout comme à leur bonne disposition pour mes intérêts, pour soupçonner seulement qu'ils sauraient agir contraire à mes intérêts et à ceux de la cause commune, en sorte que je fais des vœux, afin que cette négociation soit au plus tôt constatée et finie, ce qui me sera une sorte de grande satisfaction; ce que vous ne devez nullement dissimuler aux susdits ministres. Si le coup sur Belle-Isle348-1 s'est fait, il sera excellent pour presser d'autant mieux la France à la conclusion de la paix, à moins qu'après la flotte anglaise ne voudrait pas passer outre.

Au reste, les apparences qu'il y a d'une invasion que les Autrichien: méditent de faire de leurs frontières dans la Silésie d'un côté et de l'autre les préparatifs que les Russes font aux frontières de la Pologne et de la Poméranie pour agir contre cette province également que contre la Silésie, m'obligent indispensablement de me tourner là avec quelques troupes d'augmentation de mon corps d'armée en Silésie, afin de détourner là tout préjudice pendant la situation présente des affaires. Vous en pourrez communiquer avec les ministres, en leur assurant que ce n'est que dans ce but-là et pour défendre mes États et les soutenir dans la situation où ces provinces se trouvent à présent, mais que d'ailleurs je m'y tiendrai tranquille, à moins que l'ennemi ne voudra commencer ses opérations contre moi. Je pourrai me tromper en l'une ou l'autre circonstance, mais ce qui me paraît très vraisemblable, c'est que les Autrichiens ont une forte envie de faire encore cette campagne pour tenter fortune, sur quoi je crois qu'aucune considération ne l'arrêtera, à moins que la plus grande partie des puissances belligérantes ne convienne au plus tôt d'une suspension d'armes générale en Allemagne qui les forcerait peut-être à se tenir coi. Ainsi j'irai de ce côté-la pour empêcher le mal, autant que mes facultés le permettront; mais cela n'arrêtera en aucune façon les négociations sur la paix, parceque j'ai autorisé mon ministre le comte de Finckenstein et lui ai donné des instructions plénières sur tout ce qui pourra être relatif à ces négociations,348-2 et auquel vous saurez vous adresser en tout ce qui regarde ces affaires.

Federic.

Nach dem Concept.



346-1 Die Gesandten hatten, London 10. April, Abschriften des Briefes und des Memoires übersandt, mit denen Pitt, London 8. April, die zwei Schriftstücke Choiseuls (vergl. Nr. 12809) beantwortet hatte. In dem Briefe war von Pitt hervorgehoben worden, „que, relativement à la guerre qui concerne le roi de Prusse aussi bien qu'à l'égard des autres alliés du Roi mon maître, Sa Majesté .... ne saurait jamais manquer de soutenir leurs intérêts respectifs, soit dans le cours des négociations..., soit dans la continuation de la guerre“ .

347-1 Die Gesandten hatten am 10. April berichtet, „que le prince Galizin a offert au ministère britannique à différentes reprises .... les bons offices de sa cour pour le rétablissement de la paix“ .

347-2 Nach dem Berichte der Gesandten vom 7. April waren Pitt und Newcastle uneinig, „le premier désirant la paix comme convenable seulement, et l'autre comme absolument nécessaire“ .

347-3 Die Gesandten hatten am 7. April in betreff der durch den Tod des Churfürsten von Cöln (vergl. S. 266) erledigten Bisthümer berichtet: „Le droit de conquête autorisant certainement le roi d' Angleterre à ne point reconnaître ni admettre les sujets que le Pape pourrait nommer à ces évêchés..... on appréhende vivement que la différence qui a régné sur ce point entre les ordres précis que le ministère de Hanovre a reçus d'ici, et les lettres qui lui ont été adressées par le ministère de Votre Majesté, n'aie ébranlé le premier.“

347-4 Vergl. Nr. 12785.

348-1 Eine Insel an der Mündung der Loire.

348-2 Vergl. dazu Nr. 12829.