12889. AU FELD-MARÉCHAL PRINCE FERDINAND DE BRUNSWICK.395-3

Au quartier de Kunzendorf, 17 mai 1761.

La lettre que Votre Altesse m'a faite du 8 de ce mois, m'est heureusement parvenue hier, et vous saurez bien présumer combien il me doit être sensible et fâcheux que, dans les moments présents, on réfléchit si peu en Angleterre tant sur votre situation que presque généralement sur les affaires en Allemagne :395-4 ce qui ne vaut rien du tout, ni pour les intérêts de l'Angleterre et de la cause commune, même pas pour ceux qui sont domestiques du Roi. On prétend ici de savoir que le coup sur Belle-Isle395-5 a entièrement réussi aux Anglais ; si cela est effectivement ainsi, il y a à espérer que les Français seront obligés à détacher plus de leurs troupes vers ce côté-là, afin de mieux couvrir leurs côtes contre de nouvelles entreprises des Anglais.

Mes dernières lettres de Londres m'annoncent, d'ailleurs, comme quoi on y attendait incessamment de la part de la cour de Versailles le sieur de Bussy, tout comme les Anglais enverraient au premier jour, de leur part, le sieur de Stanley à Paris, afin de négocier réciproquement la paix entre la Grande-Bretagne et la France moyennant ces deux ministres. Quand cela sera effectué, je ne doute presque pas que l'ouvrage de la paix entre ces deux couronnes ne dût s'acheminer bientôt et entraîner celle395-6 de la paix générale, malgré les mouvements que la cour de Vienne se donne pour la traîner. Vous pouvez être tout-à-fait persuadé qu'il n'y a rien que j'oublie pour mettre le ministère anglais dans des sentiments plus raisonnables et pacifiques; mais jusqu'à présent j'ai trouvé ces gens si opiniâtres et indociles sur cet article qu'il n'y a pas eu moyen de les faire changer des sentiments dont ils se sont entêtés, sans regarder aux suites. Soyez, au surplus, assuré, très cher Prince, que je fais des vœux sans cesse pour vous et pour les succès les plus heureux de toutes vos entreprises.

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Quant à ma situation présente, je dois vous dire que, selon toutes les apparences les mieux fondées, j'aurai en peu trois armées ennemies vis-à-vis de moi, savoir celle de Laudon, de Daun et des Russiens, sans compter ce qui arrivera en Poméranie et en Saxe — de sorte qu'il ne vous coûtera guère à vous représenter tout l'embarras que j'aurai à essuyer —, et qui ne me laisseront pas le loisir de penser à d'autres affaires, quelque importantes qu'elles puissent m'être d'ailleurs ...396-1

Nous sommes arrivés ici, sans coup férir, de Strehlen396-2 en 9 jours à Schweidnitz. Laudon s'est retiré vers la Comté, occupant les postes de Braunau, Silberberg et Warthe, Lacy a pris celui de Marklissa, où probablement Daun le suivra, dès que ses vivres seront arrangés. Les Russes enverront 18000 hommes vers Colberg, et, à ce que l'on assure, 25000 longeront ces frontières pour passer l'Oder à Oppeln. Voilà, à peu près, ce que je peux vous apprendre des desseins de l'ennemi. Pour ce qui me regarde, le temps éclaircira ce que je pourrai faire; mais il faut de la fortune, sans quoi, en vérité, dans nos situations la prudence et les arrangements que l'on peut prendre d'avance, ne sont pas suffisants. Je vous souhaite cette fortune, et à moi aussi.

Federic.

Nach der Ausfertigung im Kriegsarchiv des Königl. Grossen Generalstabs zu Berlin. Der Zusatz eigenhändig.



395-3 Prinz Ferdinand befand sich nach seinen Berichten im Mai in Neuhaus.

395-4 Der Prinz hatte geschrieben: „L'on proteste [en Angleterre] qu'il est impossible de faire passer plus de troupes anglaises en Allemagne.“

395-5 Vergl. S. 370.

395-6 So.

396-1 Das folgende handelt über die Equipirung der bei der alliirten Armee befindlichen Schwadronen der Regimenter Rüsch und Malachowski. Vergl. S. 329.

396-2 Strehla.