<148>conséquence, et ne pas ruiner mes propres affaires sans que l'Empereur en tirât ni utilité ni secours réel. C'est pourquoi j'approuve fort la réponse que vous lui avez faite, et je ne saurais vous cacher que l'Empereur n'attrape pas juste, s'il est de l'opinion que j'ai à disposer de l'impératrice de Russie selon mon gré. Il s'en faut bien, car, quoique cette Princesse témoigne d'être de la meilleure volonté du monde pour moi et pour mes intérêts, néanmoins son peu d'application aux affaires et la grande indulgence qu'elle a pour son vice-chancelier Bestushew — qui jusqu'à présent est seul au timon des affaires étrangères, et qui, vendu qu'il est au parti anglais, saxon et autrichien, m'a mis en chemin tout ce qu'il lui a été possible, agissant le plus souvent contre les ordres exprès de sa souveraine — est encore une pierre d'achoppement que j'aurai toutes les peines du monde à ôter. Les intrigues dudit ministre vont même si loin que, selon des avis que j'ai eus de Russie, on y craint fort une révolution prochaine en faveur de la princesse Anne, ci-devant régente, si l'Impératrice ne peut pas bientôt gagner sur soi de déplacer ce ministre infidèle et de faire maison nette des autres conspirateurs contre elle, dont les trames et les brigues contre elle commencent à se découvrir de jour en autre, sans qu'ils en soient ni recherchés ni punis, par un excès de bonté de l'Impératrice. Ce que je ne vous dis pourtant que pour votre direction, sans que vous en deviez faire éclater quelque chose à personne. Vous verrez au moins par-là la nécessité que j'ai d'aller fort bride en main, et que, si l'Empereur est inquiet sur son état d'incertitude, je ne le suis pas moins sur celui de la Russie, de laquelle il faut pourtant absolument que je sois assuré avant que de tirer l'épée, si je ne veux pas me mettre dans un danger évident d'être accable et abîmé.1

Je suis charmé d'apprendre le pied de confidence sur lequel vous vous êtes mis avec le sieur de Chavigny, et que vous ne négligez rien pour l'attirer dans mes intérêts; aussi continuerez vous de lui dire de ma part toutes les politesses, imaginables, aussi souvent que l'occasion s'en présente naturellement, et de l'affermir de plus en plus dans les sentiments qu'il vous a témoigné d'avoir pour moi, surtout dans son nouveau système, à la vérité le plus solide qu'on puisse penser, c'est-à-dire qu'il faut regarder toujours comme inséparables les intérêts de la France avec les miens, et que nous ne nous pourrions jamais porter dommage l'un à l'autre, mais bien nous assister et entr'aider en presque toutes les occurrences.

Quant au recez de l'Union que j'ai bien reçu, avec les copies des plein-pouvoirs des autres ministres, j'approuve que vous l'ayez signé,2 et j'ai ordonné qu'on en doive expédier la ratification et vous l'envoyer, afin que vous puissiez faire à son temps les échanges usités.



1 Dieselben Gründe entwickelt der König in einem Schreiben an Seckendorff von gleichem Datum.

2 Die Unterzeichnung war zu Frankfurt am 22. Mai erfolgt.