1527. AU MARÉCHAL DE FRANCE DUC DE NO AILLES A METZ.

[Potsdam], 5 août 1744.

Monsieur. J'ai reçu votre lettre avec bien du plaisir; les explications qu'il faut pour les grandes affaires que nous allons remuer, ne sauraient être trop longues, et je vous prie de ne me point ménager sut des détails qui m'intéressent, et de vous expliquer toujours positivement sur le sujet des opérations, ainsi que je le ferai de mon côté de même, sans quoi nos lettres ne seraient pas de grande utilité.

Vous envisagez les affaires de Russie un peu trop à la légère, quant à mes intérêts. Je vous assure cependant que, si je ne voyais pas le besoin de secours dans lequel se trouve le roi de France, je ne me serais pas déterminé aussi promptement d'agir. Je suis très content du parti que le roi de France a pris d'envoyer M.' d'Aillon à Moscou; il s'est conduit d'une façon très sensée comme il a été à Pétersbourg. Il n'y aura qu'à le bien munir d'espèces, car la Russie est un pays où il ne faut pas venir les mains vides.

Le Roi ne pourra mieux faire que de hâter le départ de M. de Saint-Séverin pour la Pologne. Je pense qu'il sera instruit non seulement des affaires directes de Pologne, mais que vous lui aurez donné commission pour faire des ouvertures, conformes au plan dont nous sommes convenus, au roi de Pologne, pour le ranger de notre parti.

Le projet de mes opérations sera suivi au pied de la lettre, et vous pouvez compter de me voir le 31 d'août devant Prague. Le projet que vous formez de prendre Fribourg est très bon, celui de prendre vos quartiers d'hiver dans les pays de Mayence et de Cologne encore <235>meilleur. Je dois y ajouter que vous pourriez vous avancer dans le pays de Münster jusqu'au Weser. La position que vous aviez choisie, l'année 1741, fut alors d'une grande utilité, on le vit bien même par l'humiliation avec laquelle le roi d'Angleterre mendia la neutralité. Je dois même y ajouter qu'en prenant cette position, vous garantissez bien mieux mon pays, car les Autrichiens pourraient fort bien vouloir y prendre des quartiers d'hiver, et ce n'est point les 12,000 Hollandais que je crains, mais bien des ravages, des dévastations et des quartiers d'hiver. Il faudrait, de plus, que le comte de Saxe eût des ordres bien positifs d'apporter une attention singulière aux détachements que les alliés pourraient faire du côté de mes frontières.

Pour ce qui concerne les opérations ultérieures, après la rétrogradation du prince Charles, il n'y a pas le mot à y ajouter, sinon que je me flatte que vous renforcerez l'armée impériale pour la mettre au moins, avec Palatins, Hessois et autres auxiliaires, au nombre de 60,000 à 65,000 hommes, et que vous, n'employerez qu'une bien moindre partie de vos troupes pour faire le siége de Fribourg, où vous n'avez pas besoin de beaucoup de troupes, étant couvert par l'armée impériale qui se tourne en Bavière.

L'Empereur et tous les princes ligués applaudiront au choix que le roi de France a fait de M. de Belle-Isle, pour lui donner le commandement de l'armée de Bavière. Le personnel de M. de Belle-Isle est engagé à s'acquitter bien de cette commission, et nous sommes tous persuadés que, pourvu qu'on ne le laisse manquer de rien par la suite, notre affaire est immanquable. Au sujet de la marche que' vous voulez faire de Fribourg à Mayence, il me semble que vous pourriez longer la rive droite du Rhin et marcher sans opposition jusqu'à Mayence et dans le pays de Cologne. Düsseldorf fait naturellement votre communication avec la France, et Mannheim du Haut-Rhin. De là, vous pourriez vous étendre en avançant vers le Weser du côté de Hameln, de Corvey etc. Je n'ai à Wésel que six bataillons, qui suffisent à peine pour garder la ville. Mais il y a là une artillerie assez considérable, et dont on pourrait se servir en cas de nécessité. Je n'ai qu'un bataillon dans toute la Westphalie, à Minden, de sorte que je n'ai aucunes troupes à portée de vous joindre. Si vous trouviez à propos dans la suite de vous porter sur Hanovre, vous pourriez passer par Minden, y faire vos dépôts, et en avoir le pont à votre disposition.

Je dois vous avertir d'avance, Monsieur, que, dès que j'entrerai en Bohême, la reine de Hongrie se tournera vers vous pour faire des propositions de paix. Je suis sûr que le Roi votre maître connaît trop bien ses intérêts pour les accepter et pour reculer, à l'instant où il peut tirer raison de toutes les insultes que lui ont faites ses ennemis, et qu'il ne préfèrera pas une paix plâtrée qui lui ôterait à jamais la confiance de tous les princes de l'Europe, à une bonne paix qui assurerait éternellement sa gloire et son repos. Je suis persuadé qu'en vous faisant des <236>offres de réduction, ils ne négligeront pas de me faire parvenir cent faux avis comme s'ils étaient, en état, d'un jour à l'autre, de s'accommoder avec le roi de France à mon exclusion, et que le meilleur moyen pour moi de l'éviter serait de prévenir mes alliés. En un mot, je vous assure que de mon côté je n'ajouterai aucune foi à de pareilles insinuations, me flattant que le roi de France en fera de même; car le but de nos ennemis doit être de nous séparer; tant que nous restons unis, ils ne sauraient nous résister.

Ce sont en peu de mots les réflexions que j'ai voulu vous communiquer.

Au reste, dès que mes opérations commenceront en Bohême, et que le prince Charles rétrogradera vers la Bohême, j'écrirai d'abord au prince Guillaume de Hesse-Cassel, pour qu'il fasse marcher alors incessamment les troupes hessoises,236-1 au travers de la Franconie, tout droit vers lesfrontières de la Bavière, pour s'y joindre là aux troupes impériales, puisqu'on perdrait trop de temps, si celles-ci ne voulaient pas se mettre en marche vers la Bavière plus tôt que les troupes hessoisesne les auraient jointes.

Federic.

Nach dem Concept. Der letzte Absatz und das Datum von Eichels Hand, das übrige von der Hand des Königs.



236-1 Noailles hatte den König in seinem Schreiben vom 22. Juli um diesen Schritt ersucht.