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2114. RELATION DE LA FIN DE LA CAMPAGNE DU ROI.

Dresde, 18 décembre 1745.

Après que les Autrichiens furent expulsés de la Lusace, le Roi mit son armée en quatre corps, dont le lieutenant-général de Bonin commandait celui de Zittau, le lieutenant-général du Moulin celui de Lauban, le lieutenant-général de La Motte celui de Görlitz, et le lieutenant-général de Lehwaldt celui de Bautzen.

L'armée avait à peine pris cette position, que le Roi eut des nouvelles de Bohême du retour du prince Charles de Lorraine sur Leitmeritz et des arrangements que l'on faisait de ces côtés, pour que cette armée passât l'Elbe et vînt rejoindre le gros des troupes saxonnes auprès de Pirna. Aussitôt le Roi jugea la jonction de ses armées nécessaire. Le lieutenant-général Lehwaldt reçut ordre de se porter sur Meissen, et le prince d'Anhalt — qui venait de prendre le magasin de Torgau — fut averti de se hâter pour arriver à Meissen, dont le pont sur l'Elbe était devenu un objet très important dans ces circonstances. Le prince d'Anhalt se rendit maître de Meissen le 12, il y reposa le 13, et marcha le 14 sur les hauteurs de Neustadt.

Pendant que tous ces mouvements s'exécutaient avec précision, le Roi rassemblait ses corps détachés auprès de Camenz. Il marcha le 14 à Königsbrück et le 15 à Meissen. Le prince d'Anhalt décampa le 15 de grand matin de Neustadt et marcha par Wilsdruff le droit chemin de Dresde. Les hussards rencontrèrent dans cette marche un gros d'uhlans, soutenu par des dragons, ils les dispersèrent et les culbutèrent sur le village de Kesselsdorf, où ils découvrirent toutes les troupes saxonnes rangées en ordre de bataille, l'aile gauche appuyée à Kesselsdorf, et l'aile droite, où était le général Grünne avec ses Autrichiens, à Pennrich. Un ravin couvrait cette droite et en rendait l'accès d'autant plus difficile que le fond en était marécageux et les bords âpres et escarpés. Lorsque le prince d'Anhalt vit la disposition des ennemis, il forma incessamment bataille et mit toute son application à bien battre la gauche des ennemis et à emporter le village. Pour cet effet, il mit en première ligne trois bataillons de grenadiers soutenus en seconde par trois- bataillons de son régiment, et il chargea le général Lehwaldt, qui commandait la droite de l'infanterie, d'attaquer en même temps le village plus sur la gauche. Dès que toutes ces dispositions furent faites, l'attaque du village commença. Il était garni de 24 canons et obus, de tous les grenadiers de l'armée et de surplus du régiment des gardes de grenadiers saxons. Ce village coûta trois assants consécutifs avant qu'on pût l'emporter. Le régiment Rutowski, qui sortit de son poste pour faire une sortie, fut pris incessamment en flanc par les cuirassiers de Stille et les dragons de Bonin, et pas un homme n'en réchappa; tous les canons furent pris, et le prince d'Anhalt gagna le flanc gauche de l'infanterie saxonne. La cavalerie de notre droite ne donna qu'une