1686. AU MARÉCHAL COMTE DE SECKENDORFF A AUGSBOURG.

Berlin, 15 janvier 1745.

Monsieur. Les deux lettres que vous m'avez faites en date du 21 du décembre dernier, viennent de m'être rendues; lesquelles m'ont donné d'autant plus de sujet de satisfaction, que j'y trouve partout des sentiments dignes de vous et qui m'ont infiniment charmé. J'ai été surtout touché de la manière noble et généreuse dont vous vous expliquez sur le chapitre de Schmettau; en considération des instances que vous faites en sa faveur, je ne l'abandonnerai pas tout-à-fait, mais il mérite que je lui fasse sentir mon indignation, parcequ'il a agi d'une manière si contraire à mes intentions et contre tout ce que je lui avais ordonné. Le zèle qu'il a pu avoir pour mon service ne saurait jamais excuser ses fautes, et il ne lui convenait point de choquer si étourdiment des gens d'une réputation reconnue, et que je distingue pour leurs mérites par une estime infinie. S'il a été prévenu sur cela par des envieux de votre mérite, tant pis pour lui, et il n'aura qu'à se prendre à ceux-ci et à son peu de discernement dont il a usé dans cette occasion. J'espère que vous ne vous rebuterez point de continuer à prêter vos services à Sa Majesté Impériale, surtout dans les circonstances critiques où elle est actuellement, et le cœur généreux que je vous connais me fait espérer que vous n'abandonnerez pas la bonne cause dans un temps où l'Empereur peut avoir besoin de toute votre expérience et savoir-faire.

J'ai fait tout ce que j'ai pu pour que les Français fassent avancer encore un corps de troupes dans le Haut-Palatinat; j'en ai écrit, à différentes reprises, au roi de France, et lui ai fait voir le tort irréparable que la cause commune en aurait, si on ne daignait prendre les mesures les plus justes et vigoureuses pour le maintien de la Bavière et pour le renforcement de l'armée du Bas-Rhin; aussi me flatté-je que cela aura fait impression. Je trouve parfaitement bien pensé le projet que vous me mandez par rapport à des invasions à faire dans la Hongrie, mais comme c'est une affaire à concerter avec la France, il faudra communiquer sur cela avec elle, pour entendre ce qu'elle en dira; car de pousser moi seul des pointes n'est pas mon affaire, après que j'en ai reconnu les suites fatales qui en résultent ordinairement; mais j'entrerai avec plaisir dans toutes les opérations bien concertées et qui entr'aident l'une l'autre.

Pour le présent, il faudra selon moi que vous ayez votre attention principale sur Passau, après que vous aurez pris de justes mesures contre tout ce que l'ennemi voudra entreprendre pour rentrer dans la Bavière. Je me flatte de n'entendre jamais de mauvaises nouvelles sur cet article-là, quoique, à dire entre nous, je ne sois pas encore tout-àfait rassuré là-dessus. Il me semble qu'après cela nous devons tâcher à disposer la France afin qu'elle agisse, la campagne qui vient, en Bavière avec des forces supérieures contre l'ennemi, et si nous réussissons<11> dans ce point capital, je ne doute plus d'un bon succès et suis persuadé que tout ira bien. J'attends avec impatience quelqu'un de la part du roi de France avec qui je me puisse concerter sur les opérations de la campagne prochaine, et comme je n'en ai rien entendu, depuis que le maréchal de Belle-Isle a eu le désastre d'être arrêté par les Hanovriens, j'ai fait de nouvelles instances auprès du roi de France pour qu'il m'envoie quelque autre de confiance. C'est un des plus malheureux contretemps qui nous aurait pu arriver que l'arrêt dudit maréchal; aussi m'est-il incompréhensible pourquoi il a choisi une route si dangereuse, quoique les miens l'en aient averti, même pendant qu'il était à Cassel; mais le mal est fait, et il faut que nous tâchions d'en redresser les suites, en nous concertant, le plus tôt le mieux, sur les opérations de la campagne prochaine.

Je vous prie, Monsieur, d'être assuré de toute mon estime et qu'on ne peut être plus que je le suis, Monsieur, votre très bien affectionné ami

Federic.

Nach dem Concept.