1694. AU ROI DE FRANCE A VERSAILLES.

Berlin, 19 janvier 1745.

Monsieur mon Frère. Puisque Votre Majesté a paru le désirer, j'ai écrit incontinent à la régence d'Hanovre et en Angleterre au sujet de la détention du maréchal de Belle-Isle,18-1 mais je dois avertir Votre Majesté d'avance que ce sera à pure perte, d'autant plus que ledit maréchal s'est déclaré lui-même prisonnier de guerre, au moment qu'il a été arrêté, et que, depuis, il a écrit une lettre au ministère d'Hanovre dans laquelle il réclame le cartel de Hanau; ce malheureux tour pervertit si fort cette affaire que du moins nos ennemis ont un prétexte plausible qui semble autoriser leur démarche, et contre lequel il n'y a rien de frappant à répondre. J'attends M. de Courten avec impatience, me faisant un plaisir de me prêter, autant qu'il m'est possible, à ce qui peut intéresser Votre Majesté. Il serait à souhaiter que l'on pût détacher la Saxe de son alliance avec la reine de Hongrie; j'avais beaucoup à espérer, mais la mort de l'Archiduchesse gouvernante des Pays-Bas a tellement enflé les espérances de la reine de Pologne sur la succession de la maison d'Autriche, que le zèle pour le service de la reine de Hongrie en est redoublé chez eux. Il serait à désirer que le roi de Pologne fût le seul prince de l'Empire de ce sentiment, mais on voit assez, par tout ce qui se passe dans l'Empire, que l'Empereur y a peu de partisans ; je crois que, si les généraux des troupes de Votre Majesté traitaient les pays neutres de l'Empire avec plus de douceur, cela pourrait suspendre les mauvais effets qui suivront sans cela infailliblement ces funestes dispositions, et j'avoue que je suis dans de grandes appréhensions, lorsque je pense aux suites que pourrait avoir une ligue des princes de l'Empire, jointe à la reine de Hongrie. J'espère que l'Empereur, secondé par les généreux efforts de Votre Majesté, pourra se soutenir en Bavière; aujourd'hui, je viens de recevoir une lettre d'Amberg par où l'on me mande que Bernclau vient de s'en rendre le maître. Votre Majesté saura apparemment que le corps des Russiens que commande le général Keith est assemblé en cantonnement et prêt à être ébranlé au premier ordre. Il faut espérer que le changement arrivé dans le ministère britannique influera jusque dans ce pays lointain; je crois aussi que l'on pourrait profiter des dispositions pacifiques de milord Harrington; pourquoi ne consentirait-il pas au rétablissement de l'Empereur, dont le dédommagement consisterait dans l'Autriche antérieure:<19> quel mal ferait à l'Angleterre l'établissement de Don Philippe à Parme et Plaisance, et pourquoi Votre Majesté et la reine d'Espagne ne prolongaraient-elles point pour un nombre d'années limité le commerce des Anglais aux Indes?

Je soumets tout cela aux lumières de Votre Majesté, La priant de me croire avec tous les sentiments qui Lui sont dus etc.

Federic.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei.



18-1 Die Reclamationen ergingen durch das Ministerium.