1954. AU CONSEILLER ANDRIÉ A HANOVRE.

Camp de Chlum, 10 août 1745.

Comme je vous ai assez instruit, par ma dépêche du 5 de ce mois, auxquelles conditions je veux faire ma paix, j'attends à présent votre rapport sur la réponse qu'on vous aura donnée là-dessus; mais pour vous mettre encore plus au fait sur la manière dont je veux que vous deviez vous conduire dans cette négociation-là, je veux bien vous dire qu'il faut que vous vous y preniez bien adroitement, et que vous deviez tenter tout ce qui est humainement possible pour m'obtenir quelques indemnisations de tous les frais de guerre et de tous les dégâts qu'on m'a faits par les invasions réitérées dans la Silésie; c'est pourquoi vous devez insister autant qu'il sera possible

1° Sur la cession des trois villes de Troppau, Jägerndorf et Hotzenplotz avec leurs environs; mais si vous voyez qu'on n'en veut absolument pas entendre parler, et qu'on aime mieux de ne se point mêler<253> de cette négociation que de vouloir se charger de disposer la reine de Hongrie à une pareille cession: enfin, s'il n'y a nulle apparence d'y pouvoir jamais réussir, alors vous devez tâcher

2° De faire agréer, au lieu de cela, l'expédient qui est marqué dans le premier article du second projet,253-1 c'est-à-dire que l'Angleterre s'engage à me payer un million de livres sterling.

Si l'on ne rejette pas absolument cette proposition, mais qu'on trouve la somme un peu trop forte, je vous ai déjà prescrit qu'il y a à rabattre de cette somme, sur laquelle vous marchanderez le mieux que vous pourrez, quand même ce ne serait qu'une somme de 400,000 livres sterling, pour compenser à peu près par là les dettes de la Silésie que je suis obligé de payer, selon le traité de Breslau, aux Anglais, circonstance que je ne dis pourtant que pour votre instruction, sans que vous en deviez faire apercevoir quelque chose au lord Harrington ; mais si on refusait aussi absolument une indemnisation de cette nature, et que vous voyiez qu'il n'y a nullement à y réussir, alors vous changerez encore de batterie et tenterez à réussir sur le troisième expédient que je vous ai fourni, savoir que je sois du moins déchargé du paiement des dettes anglaises et hollandaises hypothéquées sur la Silésie, et que celles-ci restent à la charge de la reine de Hongrie. Voilà comme vous devez aller par grades et pas à pas, en disputant le terrain pied à pied et autant qu'il sera possible. Aussi serez-vous persuadé que ma reconnaissance vous sera proportionnée aux avantages que vous me ferez avoir par votre négociation; mais si contre toute mon attente les trois propositions susdites sont également refusées, mon intention est qu'alors, sans rompre la négociation, vous attendiez l'avis qu'on vous donnera de l'entrée de mes troupes en Saxe, et, dès qu'on vous aura averti que mes troupes auront mis pied en Saxe, vous tâcherez de profiter de la première consternation que cette nouvelle causera, selon toutes les apparences, à Hanovre, en déclarant alors au lord Harrington tous les justes motifs que j'avais eus à faire cette démarche pour me garantir des desseins pernicieux du ministère saxon. Vous rassurerez, de plus, le lord Harrington sur la sincérité de mon intention, qui n'était nullement de faire des conquêtes sur la Saxe, mais uniquement de ravoir la paix avec elle et de n'avoir plus à craindre ses insultes. Vous déclarerez, de plus, au lord Harrington que ces opérations ne mettront aucun empêchement à la continuation de notre négociation, et qu'il ne dépendait que du roi d'Angleterre d'étouffer incontinent cette incendie, en portant la cour de Vienne à faire son accommodement avec moi, sur des conditions traitables; vous donnerez même les assurances les Plus fortes que, du jour même que je serai averti que les articles préliminaires seront dûment signés, je ferai cesser toute hostilité, et si le lord Harrington vous répond encore alors qu'il n'y avait pas moyen de<254> conclure sur une des trois conditions susdites, et que vous trouviez que toutes les tentatives — que vous devez faire encore une fois à cette occasion — n'opèrent absolument rien sur lui, et qu'il n'en est ainsi rien à espérer, c'est alors que vous lui déclarerez à la fin que, pour donner au roi d'Angleterre et à toute l'Europe une marque convaincante de ma modération, et que je ne visais à autre chose qu'à remettre le calme et la tranquillité dans l'Empire, j'avais enfin gagné sur moi de vouloir sacrifier mes justes prétentions et de ne pas vouloir aller au delà du traité de Breslau, bien entendu néanmoins que les autres conditions qui se trouvaient dans le projet des préliminaires sous les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9,254-1 fussent stipulées, et que sur ce pied-là vous étiez prêt à conclure. Voilà ce que vous devez déclarer alors au lord Harrington; aussi, si on en est content, vous pouvez conclure sans plus de délai sur les conditions mentionnées, sauf pourtant toujours les conditions que j'ai mises, encore, par ma dépêche du 5 de ce mois, savoir que les préliminaires soient ratifiés, au plus tard, pendant un temps de quatre semaines, et que l'instrument de la paix les suive un mois après, dans lequel il ne faudra mettre que simplement le contenu de nos préliminaires, sans y vouloir ajouter d'autres articles nouveaux. Sur quoi, je prie Dieu etc.

Federic.

Nach der Ausfertigung.



253-1 S. 249.

254-1 S. 249.