2011. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS A BERLIN.

Trautenau, 6 octobre 1745.

Mon cher Podewils. Je suis curieux de savoir ce que vous pensez de l'effet que produira notre bataille. Si je me flatte ou non — c'est ce que je ne saurais vous dire; mais je suis d'opinion que voilà le dernier venin que la cour de Vienne vomit contre nous, et qu'elle ne pourra plus résister désormais aux pressantes sollicitations des Anglais. Car si les Anglais pensaient à nous tromper, quel bien leur en reviendrait-il?

Nassau a pris Jägerndorf et aura Troppau lorsqu'il en sera temps; dans quinze jours, je fais le premier pas pour entrer dans mes quartiers d'hiver, mais je n'en saurais prendre en Bohême, mais bien en Haute-Silésie et dans une partie des dépendances de la Reine. Pressez à présent l'Angleterre plus que jamais de conclure; je voudrais que votre cousin y fût, mais le moyen de l'y faire aller? Faites revenir Danckelman, car il ne s'agit plus ni d'élection ni de rien de semblable. Pensez, je vous prie, sérieusement aux affaires d'Angleterre, vous en savez toutes les raisons. Valory n'a pas poussé son mécontentement299-2<300> aussi loin que vous le pensez; mais ce qu'il y a de sûr, c'est que les Français sont bien impertinents et les Autrichiens insupportables. Je devine le contenu de votre chiffre300-1 au sujet de l'abbé de Loise. Comme la France souffle le chaud et le froid sur le sujet de l'élection, il paraît qu'elle n'a d'autre dessein que de nous commettre avec le Neo-Electus, et c'est justement ce que je ne veux pas. Ma boussole politique est la réponse que nous recevrons de Londres, et je crois que vous ferez bien de suggérer à Harrington des moyens pour abréger la négociation, comme de nous envoyer un ministre anglais qui pourrait négocier tout droit à Vienne et Dresde; ceci n'est qu'un concetto, c'està-dire une idée dont vous ferez usage si vous le trouvez à propos, ou que vous réprouverez, selon les circonstances. On ne me veut pas rendre Eichel, ce qui fait que j'ai rompu le cartel avec les Autrichiens et que j'envoie le général Berlichingen300-2 à Berlin; ne lui en faites pas trop accroire. Que je voudrais humilier l'impudence et l'arrogant orgueil de ces impertinents! Mais que faire? Vous voyez que nous les battons bien ; c'est tout ce qui dépend de nous. J'attends Schumacher avec bien d'impatience, car le métier est bien rude de faire le général, le ministre et le secrétaire en même temps, vu le prodigieux détail d'affaires que j'ai sur les épaules.300-3

Je ne quitterai mon armée que lorsque tout sera in salvo, à moins que vous ne me donniez ces nouvelles que je désire si fort.

Ainsi je ne pourrais être à Berlin que les premiers jours de novembre. Adieu, mon cher Podewils, ne m'oubliez point et soyez persuadé que je suis bien sincèrement votre fidèle ami

Federic.

J'ai oublié de vous dire que le prince d'Anhalt a aussi ordre de disloquer son armée.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.

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299-2 Vergl. S. 288.

300-1 Der chiffrirte Bericht des Grafen Podewils vom 2. October über eine Conferenz mit dem französischen Legationssecretär Abbé Loise, dem der Marquis d'Argenson ein Circularrescript des französischen Hofes an seine Vertreter im Auslande mit dem Proteste gegen die Kaiserwahl zugeschickt hatte. Der Bericht, zu welchem dem Könige nach dem Verlust seiner Cabinetskanzlei der Schlüssel fehlte, endigt : „Je finis par pousser l'Abbé d'écrire à sa cour que, comme le bruit de la marche d'un corps considérable qui devait être détaché de l'armée autrichienne sur le Rhin contre Votre Majesté, augmentait, on devait tenir prêt sans perte de temps le corps de troupes avec lequel on avait promis d'assister Votre Majesté en ce cas-là. Je souhaite cependant qu'on n'en ait pas besoin, car on sait, par tout ce que l'on a vu en Bavière, ce que c'est que les troupes auxiliaires françaises.“

300-2 Vergl. S. 183.

300-3 Der Cabinetssecretär und Geheime Kriegsrath Schumacher und ein Secretär aus dem Ministerium, Müller, trafen am 9. October zur Wahrnehmung der Geschäfte der Cabinetskanzlei im Hauptquartiere ein. Vergl. S. 303.