2064. AU ROI DE FRANCE A VERSAILLES.

Berlin, 15 novembre 1745.

Monsieur mon Frère. J'ai toujours été d'opinion que le moyen le plus court pour abréger cette guerre, était que l'on trouvât un tempérament qui, en conciliant les intérêts de Votre Majesté et de Ses alliés avec ceux de l'Angleterre, obligeât la reine de Hongrie d'y donner les mains. J'avais entamé une négociation dans cette vue, du consentement de Votre Majesté, l'hiver passé; je l'ai laissé tomber dans la suite et ne l'ai reprise qu'après que les troupes de Votre Majesté, en abandonnant l'Allemagne, remettaient l'Empire et le trône impérial à la discrétion du Grand-Duc, et que la guerre, augmentant l'épuisement de mes ressources, m'obligea d'opposer à la nécessité le remède le plus prompt et le moins mauvais que je pusse choisir. Le marquis de Valory a vu l'original de la convention d'Hanovre et peut dire combien elle est innocente. C'est proprement un échelon pour conduire aux préliminaires d'une paix entre Votre Majesté, l'Espagne et les Puissances maritimes. La cour de Vienne y aurait souscrit sans doute, si j'avais voulu me prêter à des mesures violentes et entrer aveuglément dans ses vues ambitieuses, et c'est le refus que j'en ai fait qui fait éclater à présent de nouveau son animosité contre moi.

Je jouirais peut-être encore des douceurs de la paix, si les intérêts de Votre Majesté ne m'avaient engagé dans la guerre présente. Ses ennemis et les miens, réunis par l'ambition, la haine et la vengeance, conjurent contre moi toutes les puissances de l'Europe et travaillent<340> avec autant d'acharnement à aliéner mes amis par leurs artifices qu'à soulever mes voisins par leurs corruptions.

Je touche au moment que le prince Charles de Lorraine va tenter une nouvelle invasion en Silésie, pour où je pars incessamment; les Saxons, renforcés d'un détachement que le comte de Traun a fait de son armée du Rhin, vont m'attaquer dans le pays de Magdebourg, tandis que l'impératrice de Russie fait marcher un corps auxiliaire de 12,000 hommes à la disposition des Saxons, qui s'approchent actuellement des frontières de la Prusse. J'attends de l'amitié, de la bonté et de la sagesse de Votre Majesté des conseils dans un cas aussi épineux, et si Elle pourra Se résoudre d'abandonner dans ce danger le dernier allié qui Lui reste en Allemagne. Je ne puis me dispenser de Lui dire que le cas est pressant, et que je fais un si grand fond sur Son caractère, Ses sentiments, Son amitié et l'étendue de Ses lumières, que je me promets tout de Son assistance.

Je suis avec les sentiments de la plus haute estime et considération, Monsieur mon Frère, de Votre Majesté le bon frère

Federic.

Nach einer Abschrift von der Hand des Grafen Podewils.