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Je ne suis point étonné que la cour de Vienne pousse à présent sa hauteur naturelle et son impertinence ordinaire au plus haut degré; cela ne vient probablement que parcequ'elle se croit adossée de la Russie, et de ce qu'il lui paraît que la guerre qu'elle a actuellement sur les bras, sera bientôt finie; c'est, selon moi, d'où vient qu'elle se croit être en état de me braver impunément et de me chercher noise sur différents petits objets qui ne sont pas assez importants pour en commencer une guerre, mais qui ne laissent cependant pas d'être choquants, ou qui du moins ne permettent pas de vivre dans une intelligence étroite. Mais y a-t-il de quoi s'étonner que cette cour-là soit ainsi impertinente envers ceux qu'elle n'aime pas et qu'elle croit être ses ennemis, lorsqu'elle traite avec la même arrogance ceux qui sont ses bienfaiteurs et sans le secours et l'appui desquels elle aurait été abîmée?

Quant à la paix générale, il ne me paraît pas qu'elle soit déjà si proche comme on en juge à Vienne, et il me semble être fort difficile que l'Espagne et la France se puissent séparer d'intérêt; au contraire, il est fort à présumer que, si la paix se fait avec l'une, il faudra qu'elle comprenne en même temps l'autre; ainsi que la pacification sera toujours générale, où j'espère que mes intérêts ne seront point oubliés, et que j'y serai compris avec les garanties qu'on me promet. Si contre toute attente la cour de Vienne devait réussir à parvenir à une pacification séparée avec l'Espagne, elle aurait encore à soutenir la guerre contre la France, ce qui lui donnera, j'espère, encore tant à faire qu'il lui sera difficile de se tourner en même temps contre moi. Si elle s'attend, de concert avec le ministre de Russie, à me faire faire quelque démarche qu'elle pourrait relever comme un dessein de rupture, pour mettre la Russie en jeu, elle comptera sans son hôte, et je saurai me garder, quoique toujours avec dignité, de donner dans de pareils piéges.

Je ferai fort observer les gens que vous m'accusez, et sans envelopper l'innocent avec le coupable, je tâcherai de faire observer de bien près les démarches de ceux qui se font soupçonner. Je tâcherai, s'il est possible, de faire enlever secrètement cet homme dont vous m'avez averti,1 si jamais il se laisse trouver sur mon territoire; cependant, autant que j'ai eu des informations sur lui, c'est un misérable qui avec beaucoup de malice est assez ignorant dans mes affaires de la Silésie et ne sait rien des autres, n'ayant été que simple copiste dans la chambre de Breslau. J'ai été content de la réponse que le sieur Robinson vous a faite touchant le mémoire qu'on vous a donné au sujet de Henckel. L'argument le plus fort sur lequel vous devez appuyer avec lui sur cette affaire-là, sera toujours celui que, si l'Angleterre voulait tenir pour juste la demande insolente que la cour de Vienne m'a fait sur ce malheureux,



1 Ein gewisser Collen, der als Beamter des Feldcommissariats 1744 desertirt war und in Wien eine Pension bezog.