2137. AU DUC RÉGNANT DE WURTEMBERG A STUTTGART.

Berlin, 22 janvier 1746.

Monsieur mon Cousin. Je suis autant sensible aux marques d'affection et de confiance que Votre Altesse m'a données dans la lettre du 8 de ce mois, que satisfait de la conduite sage et prudente qu'Elle a tenue pendant les derniers mois, pour déranger les vues de ceux qui travaillaient à engager les Cercles limitrophes de l'Empire à prendre part aux troubles qui agitaient alors l'Allemagne, et à assister les cours avec lesquelles j'étais en différend. Votre Altesse n'ignore pas, et je remarque avec plaisir qu'Elle me rend la justice de reconnaître que le salut et la tranquillité de la patrie commune a été toujours le principal objet de mes soins, et que, comme ce ne fut que par ce motif que je rentrai<8> en guerre, je me suis prêté avec facilité à toutes les ouvertures d'une paix qui pouvait assurer ce but salutaire, en renonçant aux avantages les plus flatteurs que la poursuite de mes opérations et de mes victoires semblaient me promettre. Telle est encore constamment ma façon de penser sur ce chapitre, et puisque Votre Altesse me demande mes avis sur ce qu'il y a de meilleur à faire dans la conjoncture présente, je veux bien ne Lui pas céler que la conservation du repos et de la tranquillité, tant au dehors qu'en dedans, et le soin d'éviter tout ce qui peut l'interrompre, est et doit être, à mon avis, constamment l'objet le plus désirable et le plus important de tout prince patriote, et qui, à ce qu'il me semble, convient le mieux aux véritables intérêts de l'Empire et particulièrement à ceux de Votre Altesse, de sorte que, tant qu'il y a moyen de conserver la neutralité avec la France, mon sentiment est que l'on ne saurait mieux faire que de s'y tenir et de ne s'en écarter en aucune façon, ni par aucune considération du monde. En agir autrement, ce serait exposer de gaîté de cœur tout l'Empire à un danger presque inévitable, et les Cercles limitrophes aux mêmes calamités dont ils ont fait une rude expérience durant le cours des guerres passées. Mais au cas que la France ne se tienne pas dans ces bornes, et qu'elle attaque les terres de l'Empire, ce que j'ai pourtant de la peine à m'imaginer, il est naturel et juste que tous les membres du Corps Germanique s'unissent alors, qu'ils fassent des associations et prennent les mesures les plus vigoureuses pour leur défense mutuelle.

Pour ce qui est du différend de Votre Altesse avec la France au sujet de la succession de Montbéliard, je me flatte qu'Elle a eu lieu de Se louer des soins empressés que j'ai employés jusqu'ici pour Lui procurer satisfaction sur ce chapitre, aussi bien que de ma constante attention de Lui donner en toute autre rencontre des marques d'un ami sincère et zélé pour l'avancement de Ses intérêts.

Mais comme j'aime d'agir rondement avec ceux que j'affectionne, je ne veux pas dissimuler à Votre Altesse que j'aurais souhaité que de Son côté on eût mieux répondu que l'on n'a fait depuis quelque temps, à ces sentiments d'amitié; j'ai même cru remarquer quelque refroidissement dans les Siens pour moi, principalement dans l'affaire de l'extradition des déserteurs de mon armée, où, bien loin de me les faire rendre, conformément à la disposition du cartel, on a arrêté sous des prétextes assez légers des officiers que j'avais chargés de les réclamer. Votre Altesse jugera sans peine que de pareilles procédures ont dû naturellement m'être très sensibles. Elles l'auraient été davantage, si je n'étais persuadé qu'elles ne partent d'aucun fond de mauvaise volonté de la part de Votre Altesse, dont je connais la droiture et l'amitié, et que Sa religion a été surprise par les artifices de certains gens jaloux de notre union, et qui, ne voyant point de jour d'en dégoûter Votre Altesse, tâchent de rompre nos liaisons par des voies indirectes, en L'induisant à des démarches qui en doivent naturellement relâcher les nœuds. C'est<9> pourquoi je me promets indubitablement qu'aussitôt que Votre Altesse aura examiné l'affaire, Elle ne balancera pas un moment de lever cette pierre d'achoppement et de me faire remettre sans exception tous les déserteurs qui se trouvent encore dans Ses États. Quelque juste que soit la chose que je demande, je la recevrai comme une marque particulière de Son attention pour moi, et elle m'engagera de redoubler mes efforts pour les intérêts de Votre Altesse dans l'affaire de Montbéliard, de même que dans toutes les autres où je puis contribuer à l'avancement de Ses désirs et de Ses avantages, et de donner libre carrière à l'inclination qui me porte naturellement à seconder Ses intérêts et à Lui marquer en toutes occasions les sentiments de l'amitié sincère et l'estime distinguée avec lesquelles je suis invariablement etc.

Federic.

Nach dem Concept.