2205. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS A BERLIN.

Potsdam, 24 avril 1746.

Mon cher Podewils. J'ai reçu vos trois lettres à la fois et je vous suis bien obligé de la pièce saxonne que vous m'envoyez.70-1 On y voit un fonds de présomption qui a donné lieu à toutes les fausses démarches de cette cour, des plans faits sans compter sur ce que les ennemis peuvent y opposer, changés avec légèreté; aucune fermeté dans les résolutions; de la faiblesse dans l'exécution, et, en un mot, une rage envenimée du ministre contre les Prussiens qui allait jusqu'à la démence, qui se manifeste par des saillies insensées dont la confusion abîma ceux mêmes qui avaient juré ma perte. Il est sûr qu'il n'y a rien de plus pitoyable que la conduite que le ministre saxon a tenue alors; j'avoue que je n'aurais pas cru qu'il eût fait des fautes si grossières, et à présent que j'ai lu cet écrit, je ne m'étonne point que nous ayons eu des succès si rapides en Saxe. Vous avez raison de dire qu'il serait à souhaiter que les Saxons prissent des subsides des Français, mais plus je le désire, et moins je m'en flatte; nous n'y pouvons faire autre chose que d'animer les Français à conclure ce marché, en y ajoutant la clause que ces troupes saxonnes ne pourraient être employées ni contre eux, ni contre nous. Mais Brühl n'osera jamais se détacher des Autrichiens,<71> il est sous leur serre, et après l'argent qu'il a pris, il n'est plus le maître ni de lui, ni de son Roi.

Je m'attends, à peu près, à ce que Ginkel me dira, cela aura sûrement quelque rapport à la relation que j'ai reçue aujourd'hui d'Andrié. J'ai ordonné à Eichel de vous envoyer la réponse que j'y ai minutée et qui est la même, à quelques articles près, que je pourrais faire aux Hollandais, leur témoignant cependant beaucoup de confiance, d'amitié et d'inclination.

J'avoue que Villiers m'a rassuré en grande partie sur les desseins des Russes; le corps qui va de Smolensko à Riga, n'est que de 18,000 hommes de troupes réglées, mais de beaucoup de Cosaques. Je ne puis à présent prendre aucunes mesures contre leurs desseins, avant que d'y voir plus clair; d'ailleurs Riga, où ce corps s'assemble, est encore à soixante milles de mes frontières. Je ne puis faire des magasins, ni remuer des troupes, sans que cela ne m'entraîne dans de très grandes dépenses; ainsi j'attends patiemment ce que tout cela deviendra.

Adieu. Dites, je vous prie, à Rudenschöld que rien ne transpirera de la pièce qu'il m'a communiquée,71-1 et que le secret sera inviolablement gardé, mais que je le prie de m'en faire avoir la continuation.

Je suis avec estime votre fidèle ami

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.



70-1 Mémoires concernant un récit militaire, historique et critique de ce qui est arrivé vers la fin de l'année 1745. Vergl. Droysen, Kriegsberichte, Beiheft zum Militärwochenblatt 1875, Nr. 10, S. 259.

71-1 Die im Eingang des Briefes erwähnte Schrift.