2215. AU CONSEILLER ANDRIÉ A LONDRES.

Potsdam, 10 mai 1746.

J'ai reçu votre dépêche du 26 du mois d'avril passé, touchant la réponse que milord Harrington vous a donnée sur le sujet des secours que j'exigeais du roi d'Angleterre, en cas que je fusse attaqué par la Russie, de même que celle du 29 dudit mois, sur les différents contes frivoles que mes ennemis et envieux répandent en Angleterre par rapport aux différents desseins ridicules qu'on m'attribue. Sur quoi, il faut que je vous dise que, quant au dernier article, je suis fort mécontent de vous, de ce que vous êtes si mal appris à ne pas vous savoir aider dans le poste où vous êtes, lorsque des bruits si chimériques, mais fort désavantageux en même temps à mes intérêts, sont répandus dans le public, nonobstant les ordres positifs que vous avez depuis bien du temps, de donner hautement des démentis la-dessus&160;: ainsi qu'il faut que je vous réitère que, quand vous entendrez dire que je faisais défiler des troupes du côté de la Westphalie et que mon armée avait ordre à marcher et que j'en voulais à la Hollande, vous devez hautement vous inscrire en faux là-dessus et déclarer positivement que je ne demandais pas mieux que de vivre en paix et bonne harmonie avec tous mes voisins, et que je ne voulais offenser personne. Que, si on dit d'ailleurs que je<87> travaillais à une alliance à faire entre moi, la Suède et le Danemark, à laquelle la France accéderait, vous devez dire tout net que c'étaient des bruits faux et controuvés, et que je n'avais pas pensé à de pareilles liaisons; enfin, que vous ne deviez jamais entendre de pareils bruits, sans y donner hautement le démenti.

Quant au second article, touchant la réponse que milord Harrington vous a donnée au sujet du secours que j'avais exigé de l'Angleterre selon notre traité, le cas existant que la Russie m'attaquât, vous devez dire à milord Harrington qu'il paraissait par tous les discours des ministres anglais qu'il serait peut-être agréable au Roi leur maître, si tout le monde me regardait en ennemi et que je n'eusse aucune puissance pour amie; mais qu'on pourrait être nécessité de chercher des amis tels qu'on les trouverait, quand ceux qui s'étaient si souvent engagés d'être de nos amis et alliés, et qui s'étaient obligés de la manière la plus solennelle de nous assister, le cas le requérant, nous refusaient tout secours, lorsqu'on le demandait in casu fœderis.

Que c'était une pure défaite et bien mal fondée de milord Harrington, s'il voulait se servir du prétexte que l'Angleterre se trouvait actuellement en guerre avec la France et l'Espagne, et que le cas n'existait dans les traités qu'en cas que l'on fût en paix; que milord Harrington se souviendrait de la réponse qu'il vous avait donnée, lorsqu'il avait réclamé mon secours contre les rebelles d'Écosse et que je lui avais fait voir quelques appréhensions par rapport à la Russie, et qu'il avait soutenu alors que malgré tout cela j'étais obligé par notre traité de fournir à l'Angleterre le secours stipulé. Que d'ailleurs tout le monde savait que, nonobstant la présente guerre de l'Angleterre avec la France, et malgré la révolution en Écosse, l'Angleterre payait de gros subsides à la reine de Hongrie et au roi de Sardaigne; qu'il n'y avait pourtant point de différence dans les termes et dans les expressions du traité que l'Angleterre a fait avec moi, et dans ceux qu'elle avait conclus avec la reine de Hongrie et le roi de Sardaigne.

Que je savais néanmoins bien du gré à milord Harrington de ce qu'il s'était expliqué si ouvertement sur ce sujet-là envers moi, et qu'il valait toujours mieux de savoir à temps que je ne pourrais m'attendre de l'Angleterre à aucun secours, que si je m'y étais fié et qu'il m'eût manqué, lorsque le cas de l'alliance aurait existé.

Federic.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei.