2219. SUPPLÉMENT AUX INSTRUCTIONS DU COMTE DE PODEWILS.89-1

Potsdam, 12 mai 1746.

1° Le sacrifice que la cour de Vienne a été forcée de faire de la Silésie, lui tenant trop à cœur pour n'en pas garder un vif ressentiment, le comte de Podewils se tiendra sur ses gardes et se défiera, sans pourtant en rien faire paraître, de toutes les protestations que le ministère autrichien pourrait lui faire du contraire, et aux quelles il n'a qu'à répondre par les assurances les plus fortes de mon désir sincère d'entretenir une bonne intelligence avec la cour de Vienne et d'observer religieusement les engagements qui subsistent entre nous.

2° Les deux points qui doivent faire, autant qu'il sera possible, le principal objet et le fond de ses rapports, sont premièrement les dispositions dans lesquelles la cour impériale se trouve à mon égard, si elle est sincèrement intentionnée de vivre en bonne amitié avec moi, ou bien si elle n'attend que l'occasion pour tâcher de reprendre les conquêtes que j'ai faites sur elle.

En second lieu, quels sont ses projets en ce cas, quelles mesures elle pourrait prendre et quelles ressources elle a pour les faire réussir, supposé qu'elle fût destituée des subsides des Puissances maritimes.

3° Pour cet effet, il s'informera soigneusement de l'état de ses finances, quels impôts ses peuples pourraient encore fournir, et quels autres moyens la cour de Vienne pourrait mettre en usage pour subvenir aux besoins de la guerre. Il ne sera pas moins attentif à pénétrer à quel point ses États et surtout la Hongrie peuvent encore être peuplés, et si, malgré ce que la guerre a emporté, ils sont encore en état de recruter ses armées et de fournir à de nouvelles levées.

4° L'état militaire occupera surtout son attention, et il tâchera de me rendre un compte exact de tout ce qui le regarde. Pour cet effet, il fera bien de se lier avec des officiers généraux et d'autres gens capables de lui en fournir de bons mémoires. Il serait bon même qu'il sût s'ouvrir quelque canal par lequel on peut être instruit en tout temps de ce qui se passe au Conseil de Guerre. Il me marquera aussi exactement la force effective des régiments et l'endroit où ils se trouvent, surtout de ceux que la cour de Vienne pourrait entretenir en Bohême ou dans d'autres pays limitrophes des miens. Il sera également attentif aux magasins qu'elle pourrait y faire, et à d'autres mesures qui dénotent quelque dessein formé.

5° Comme le ministère autrichien lui tendra toutes sortes de piéges, il se pourra peut-être qu'il lui envoie des officiers qui feront semblant<90> de vouloir entrer en mon service. En ce cas, il n'a qu'à décliner leurs offres d'une bonne manière et sans affectation, en s'excusant sur ce qu'il n'avait aucun ordre et n'osait pas même se mêler du militaire, et que d'ailleurs, autant qu'il lui était connu, j'étais suffisamment pourvu de bons officiers. J'excepte du nombre le sieur Frenquiny, dont il pourra écouter et me rapporter les propositions, sans pourtant y paraître.

6° Il me mandera toutes les nouvelles que la cour recevra, et il s'étendra principalement sur celles d'Italie. De quelque nature qu'elles puissent être, il n'en témoignera ni joie ni chagrin, et lorsqu'on lui en parle, il y répondra d'une manière à faire sentir que c'étaient des choses qui m'étaient entièrement indifférentes.

7° Comme l'armement de Russie peut avoir deux objets, l'un de me tenir en échec pour m'empêcher de me lier de nouveau avec la France, afin de procurer un établissement à l'infant Philippe, comme on m'en soupçonne à Vienne, et que d'ailleurs la cour de Londres est bien aise d'intimider par là les cours de Stockholm et de Copenhague et les éloigner d'une plus étroite union avec moi; l'autre, de faire une diversion en Prusse pour faciliter à la cour de Vienne le moyen de me reprendre la Silésie — le comte de Podewils ne négligera rien pour savoir au juste à quoi j'ai à me tenir sur ce sujet, et pour approfondir ce qui se trame entre les cours de Vienne, de Pétersbourg et de Dresde, qu'on dit y donner également les mains. Pour cet effet, il observera avec soin les allures du ministre de Russie. Il tâchera aussi de profiter du caractère emporté d'un des ministres autrichiens90-1 pour en tirer des éclaircissements sur ce sujet, soit en le contredisant à propos, soit d'une autre façon convenable qui ne le commette point. Il prendra garde aussi à la manière dont on le recevra, et il m'en fera des rapports détaillés, parcequ'il est apparent qu'on aura à la cour de Vienne plus ou moins d'attention pour lui suivant l'intention où l'on y sera à mon égard, et selon qu'on s'y sentira adossé par la cour de Russie.

8° Dans la persuasion où sont les cours de Vienne et de Dresde que je m'opposerai au dessein qu'elles ont de mettre sur le trône de Pologne un des fils du Roi d'aujourd'hui, et que par là elles trouveront moyen de me brouiller avec les Polonais, les ministres autrichiens tâcheront peut-être de sonder le comte de Podewils là-dessus et d'en tirer des explications capables de me desservir auprès les Polonais. C'est pourquoi il doit être extrêmement sur ses gardes et se tenir clos et boutonné sur cette matière; mais en cas qu'en lui en parle, et que les circonstances l'obligent à y répondre, il n'a qu'à dire en termes généraux et vagues qu'il doutait que je me mêlasse jamais des affaires qui ne me regardaient pas directement, et que, le royaume de Pologne étant purement électif, c'était aux Polonais à décider du choix de leur roi.

9° Comme il m'est revenu que l'Empereur et l'Impératrice douairière étaient encore les mieux intentionnés pour mes intérêts, il tâchera<91> d'approfondir ce qui en est, et de s'insinuer dans leur esprit pour en tirer parti, surtout auprès de l'Empereur, dont le système est, à ce qu'on prétend, de vivre en bonne amitié avec moi, pour tourner toutes les forces contre la France et reprendre sur elle la Lorraine, qu'il regarde toujours comme son patrimoine.

10° Il fera au comte de Harrach un compliment obligeant de ma part et lui dira qu'après avoir été l'instrument de la paix et de la bonne harmonie qui avait été rétablie entre moi et sa souveraine, je comptais qu'il emploierait aussi tous ses soins et son crédit pour la conserver et l'affermir de plus en plus.

11° Il maintiendra surtout l'honneur du caractère dont j'ai jugé à propos de le revêtir, et ne s'en relâchera point dans les occasions essentielles et décisives; et comme à la cour de Vienne on prend souvent des civilités pour des marques de faiblesse, il aura soin de les accompagner toujours d'un certain air de dignité qui les caractérise.

12° Lorsqu'il aura quelque nouvelle importante et secrète à m'apprendre, il enverra ses dépêches par un homme affidé jusqu'à Neustadt,91-1 en les y adressant au comte de Dohna, et il lui marquera de me les faire parvenir par un exprès.

13° Deux à trois mois après son arrivée, il me fera les caractères de la Reine, du Grand-Duc, des principaux ministres, des généraux et des personnes qui, sans en avoir le nom, font les affaires par faveur; il dira même quelque chose de l'archiduc Joseph, et il tâchera de lire dans cette âme tendre quel pourra être le caractère de ce Prince avec le temps.91-2

Federic.

Nach Abschrift der Ministerialkanzlei.



89-1 Für die Sendung nach Wien, vergl. Nr. 2211 S. 78. Das Supplement ist von dem Grafen Otto Podewils selbst concipirt, der am 11. Mai an den König berichtet: „J'ai l'honneur de présenter ci-joint à Votre Majesté le supplément de mes instructions, que j'ai tiré des ordres qu'il Lui a plu de me donner de bouche. Je n'y ai mis que ce qui ne se trouve pas dans mes instructions du 1er de mai.“

90-1 Ohne Zweifel Bartenstein.

91-1 In Oberschlesien.

91-2 Zu dem letzten Artikel bemerkt Graf Heinrich Podewils in der Vorlage: „Diesen dreizehnten Artikel haben Se. Königl. Majestät höchsteigenhändig beigesetzet.“ Die demgemäss von dem Gesandten eingesendeten Charakteristiken sind veröffentlicht in den Sitzungsberichten der K. K. Akademie der Wissenschaften zu Wien, Jahrgang 1850, phil.-hist. Classe, S. 446 ff.