2280. AUX MINISTRES D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS ET DE BORCKE A BERLIN.

Potsdam, 18 juillet 1746.

Après avoir vu ce que vous venez de me mander par rapport à la lettre que le marquis de Valory vous a faite, concernant les vues des Saxons sur la succession en Pologne et sur l'engagement que la France a contracté avec la cour de Dresde, je veux bien vous dire en réponse que, quant audit marquis, vous devez lui répondre que, comme nous ignorions tout-à-fait de quoi il s'agissait proprement dans le traité que la France avait fait avec la Saxe, nous ne saurions nous en expliquer, avant que la France ne nous eût communiqué ce traité-là et nous eût mis par là à même d'y penser et de nous expliquer alors d'une manière convenable là-dessus.

Vous y ajouterez un peu ironiquement, comme une saillie qui vous était de vous-même, qu'on avait lieu d'être surpris de ce que la France entrait si chaudement dans les affaires de Pologne, elle qui ne s'était guère souciée de celles d'Allemagne du temps de la dernière élection de l'Empereur à Francfort.

Mais, en général, je veux bien vous dire tout ce que je pense sur cette affaire-là, quoique pour votre instruction seule; savoir que je n'ai pas la moindre envie de me mêler à présent de ces affaires-là:

1° Parceque la France a fait le traité en question à notre insu et sans nous en avoir communiqué la moindre chose.

2° Puisque, dans la fort mauvaise volonté où nous savons que la cour de Dresde est contre nous, je ne comprends pas à quoi un pareil traité pourrait aboutir.

3° Pourquoi nous laisserions-nous lier les mains, avant que le cas de la succession en Pologne existe? Si ce cas existe un jour, et que nous ne sommes point liés alors, nous prendrions tel parti que nous trouverons convenable, et il faudra absolument alors ou que nous en tirions avantage, ou que la Saxe et ses amis nous aient de l'obligation;<137> au lieu que, si nous nous lions déjà les mains à présent, il n'en sera ni de l'un ni de l'autre, et nous serons mêlés et obligés à entrer en tout ce qu'on voudra de nous. Si l'on dit que du moins nous séparerions par là la Saxe de la cour de Vienne et la détacherions de la Russie, j'y réponds que la Saxe n'osera jamais se détacher de la Russie, sans la concurrence de laquelle elle ne viendra pas à bout des vues qu'elle a sur la Pologne, et que par les subsides qu'elle prend actuellement de la France, elle est naturellement séparée des Autrichiens. Sur quoi, je prie Dieu etc.

Federic.

Nach der Ausfertigung.