2300. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A PARIS.

Neisse, 5 août 1746.

La relation que vous m'avez faite en date du 22 du mois de juillet passé, m'a été rendue. Sur laquelle je veux bien vous dire que vous deviez témoigner bien de reconnaissance au marquis d'Argenson de l'attention qu'il a eue pour moi, en vous communiquant par ordre du Roi son maître le précis de la négociation qu'on a eue avec les ministres de la république de Hollande. Quant aux autres insinuations qu'il vous a faites à cette occasion-là, je trouve toutes les réponses que vous lui avez faites fort justes et tout-à-fait conformes à mes intentions; aussi continuerez-vous à vous expliquer de la même façon, toutes les fois que ledit marquis voudra vous faire de pareilles insinuations, en vous appuyant toujours sur ma situation présente avec la Russie.

C'est une chose assez fâcheuse que la France m'ait toujours refusé, pendant que ses affaires étaient dans une situation où j'aurais pu parler et employer mes offices avec une grande apparence de succès; à présent que tout est gâté par les fausses démarches qu'on a faites, en se fiant trop aux négociations qu'on avait entamées, on veut se tourner à moi et prétendre que je doive me mettre devant la brèche et m'exposer ou de parler sans effet ou de rentrer dans une guerre qui ne saurait être qu extrêmement critique à mon égard; et quand le marquis d'Argenson<154> croit que je pourrais trouver peut-être quelque expédient pour remédier à tout cela, il parle d'une chose plus facile à dire qu'à mettre en œuvre, et à laquelle il n'y a pas même moyen de penser, avant que les opérations de cette campagne ne soient finies, pour voir le tour que les affaires prendront.

Federic.

P. S.

Vous direz au marquis d'Argenson, quoique d'une manière fort polie, que je n'aimais pas à parler sans effet et sans que je sois en état de donner le poids aux paroles; que les conjonctures présentes ne me permettaient pas de soutenir quelque chose par la force, ayant d'un côté les Russes à dos, et par devant moi les Autrichiens, contre lesquels, s'ils se joignaient tous deux contre moi, je ne saurais suffire. D'ailleurs, quelque confiance que la France ait mise aux Saxons, j'étais assuré que c'étaient de faux frères qui ne manqueraient pas de se joindre aux Russes et Autrichiens, quand je serais aux prises avec eux.

Vous ferez au reste force protestations d'amitié audit marquis, et combien je souhaitais toute sorte de bien à la France. Vous n'oublierez pas de lui rafraîchir la mémoire, quoique d'une façon bien délicate, par rapport au peu d'assistance que j'avais eue de la France et combien elle m'avait négligé dans le temps passé.

Nach dem Concept.