2310. AU MINISTRE D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD A SAINT-PÉTERSBOURG.

Potsdam, 19 août 1746.

J'ai reçu votre de'pêche en date du 2 de ce mois. Il est fort probable, et les avis que je reçois de toute part le confirment, que le traité conclu entre la Russie et l'Autriche n'est qu'un engagement purement défensif, de même, que le voyage du général Pretlack n'a eu d'autre objet que pour signer là le traité en question. Mais ce qui achève à me mettre de ce sentiment-là et de croire qu'il n'y a point de dessous de cartes dans cette affaire, c'est que les Anglais en sont mêlés, dont l'intérêt, selon toutes les apparences, ne permet point de souffrir qu'il s'allume un nouveau feu de guerre dans le Nord, soit à présent, soit après la paix générale conclue; à quoi il faut ajouter que l'Angleterre est sur le point de me donner la garantie la plus solenelle qu'il y ait, sur toutes mes possessions et nommément sur ma Silésie et le comté de Glatz; c'est ce que l'Angleterre pourrait aisément décliner, s'il y avait des engagements pris en contraire entre les cours de Pétersbourg et de Vienne. Quant aux insinuations contraires à mes interêts que, selon votre dépêche, les ministres de la cour de Vienne continuent de faire à celle de Russie, je n'en veux pas douter, sachant ce que c'est que la cour de Vienne; mais outre ces raisons que cette<163> cour peut prétendre avoir pour tâcher à indisposer contre moi la cour de Pétersbourg, c'est apparemment une de plus fortes qu'elle est toujours dans l'appréhension que je ferai encore quelque diversion à elle en faveur de la France, et surtout si celle-ci se voyait pressée par ses ennemis, et qu'ainsi elle voudrait bien que la Russie me tenait en échec. Sur ce qui est des mouvements que les troupes russiennes paraissent vouloir faire vers l'Ucraine et vers la Pologne, il se peut que les cours de Vienne et de Pétersbourg soient convenues que les Russes feront marcher un corps de troupes en Allemagne, ou pour se joindre aux troupes autrichiennes qui sont assemblées au Haut-Rhin, ou pour les Pays-Bas, en cas que l'armée alliée y eût quelque échec, et que, pour ne pas laisser ce vide-là en Livonie, les Russes le veulent remplir par ces troupes qui sont restées jusqu'ici dans leurs autres provinces. J'avoue cependant que je ne saurais encore m'imaginer que les engagements de la Russie avec la cour de Vienne soient allés si loin. Un temps de quatre semaines nous doit éclaircir sur toutes ces affaires-là.

Vous m'avez demandé, par votre relation du 12 du juillet passé, si avant votre départ de Pétersbourg vous deviez brûler tous mes ordres immédiats avec d'autres papiers de pareille conséquence. J'en conviens fort et crois que ce sera le moyen le plus sûr pour ne point exposer ces papiers-là. Ce qui me reste à vous dire, c'est que vous ne deviez pas oublier à m'acheter, avant votre départ de Pétersbourg, les deux pelisses de renards noirs que je vous ai déjà commandées il y a longtemps, et que vous pourrez me porter alors vous-même.

Federic.

Nach dem Concept.