2659. AU SECRÉTAIRE WARENDORFF A SAINT-PÉTERSBOURG.

Potsdam, 3 juin 1747.

J'ai reçu votre dépêche du 16 du mois de mai passé. Il serait à souhaiter que l'événement voulût justifier ce que l'ami connu vous a dit relativement à la négociation entre l'Angleterre et le Chancelier, touchant le traité de subsides à faire pour tenir prêt en Livonie un corps de 30,000 hommes Russes; mais j'ai lieu de-soupçonner que le Chancelier fait bien des choses à l'insu de l'ami susdit, car je ne saurais m'imaginer que les ministres anglais s'expliqueraient si positivement sur ce traité de subsides comme milord Chesterfield l'a fait envers mon ministre à Londres, si l'affaire en question était encore dans un tel état incertain comme l'ami connu vous l'a indiqué. Malgré tout cela, vous ne laisserez pas de le remercier, le plus obligeamment du monde, de la confiance qu'il continue à me témoigner, et de l'informer après à votre tour, quoique sous le sceau du plus grand secret, que je venais d'être averti de bon lieu que le ministre autrichien à ma cour, le général Bernes, avait marqué à un des ses amis confidents à Vienne que les insinuations qu'il faisait au comte de Keyserlingk sur mon sujet, commençaient à faire impression sur lui, depuis que celui-ci avait reçu cet ordre secret signé de sa souveraine dont je vous ai informé par ma dépêche du 30 de mai. Ledit général Bernes doit avoir ajouté que, comme le comte Keyserlingk avait reçu depuis peu un rescrit de sa cour par lequel on lui avait enjoint de réclamer de moi tout ce qu'il y avait de gens qui avaient déserté les troupes russiennes en Livonie et en Courlande et qui arrivaient en ma Prusse, et que lui, Bernes, avait prévu que naturellement je ne me prêterais pas à une telle réquisition, puisqu'il n'y avait point de convention ni de cartel établi làdessus entre la Russie et moi — il avait cependant pu profiter de cette occasion pour tant aigrir l'esprit du comte de Keyserlingk que celui-ci<403> avait mandé à sa cour qu'il serait presque contre la dignité de sa souveraine de me faire plus d'instances ou de demandes sur quelques choses, puisque l'on pourrait être sûr d'avance que je ne me prêterais à rien et que l'on ferait donc mieux d'attendre le temps et le moment où l'on pourrait appuyer de force les propositions que l'on voudrait me faire.

Quoique j'aie de la peine à croire que le comte de Keyserlingk eût voulu se prêter tant aux insinuations de général Bernes, jusqu'à faire une pareille démarche, l'ami important reconnaîtra cependant par là combien les Autrichiens se donnent des mouvements pour attiser, s'il leur est possible, le feu entre la souveraine de Russie et moi; que je l'avais bien voulu avertir, quoique je me flattasse fort et fermement qu'il n'en ferait jamais quelque usage, mais qu'il se contenterait d'en être informé pour pouvoir confondre des complots qui étaient diamétralement contraires à la gloire et aux intérêts de l'impératrice de Russie; que je laisserais, au surplus, à sa considération et à ses réflexions équitables, si j'avais pu me prêter aux instances, qui vraisemblablement ne venaient que du Chancelier, de faire arrêter et rendre tout ce qu'il y avait de déserteurs des troupes russiennes, sans qu'il y ait jamais eu quelque convention à cet égard, et cela justement dans un temps où le Chancelier me faisait voir partout tant de mauvaise volonté, et où l'on me refusait jusqu'aux moindres choses, le plus souvent d'une manière assez rude.

Federic.

Nach dem Concept,