2660. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS, ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE, A VIENNE.

Charlottenbourg, 5 juin 1747.

Il est vrai que le général Bernes a reçu depuis peu de temps un courrier de sa cour qu'il a renvoyé après l'avoir gardé quelques jours chez soi, mais qui n'a point du tout été de retour chez lui. Quoique le général Bernes n'ait sonné mot au sujet des dépêches que ce courrier lui a apportées, et qu'ainsi on en ignore le contenu, je suis cependant persuadé que ces dépêches n'ont point roulé sur des choses qui nous puissent donner de l'ombrage, et qu'en conséquence vous n'avez nul lieu d'en être inquiet. Je suis d'ailleurs persuadé que le fréquent envoi de courriers entre les cours de Pétersbourg et de Vienne regarde principalement l'affaire de l'accession de Saxe au traité d'alliance fait entre ces deux cours; il se peut agir encore de réconcilier les cours de Vienne et de Dresde par rapport au différend qu'il y a eu au sujet du comte Esterhazy.403-1 Outre cela, je sais de bon endroit que les deux cours font travailler le ministre anglais à Dresde, le sieur Williams, pour détacher,<404> s'il est possible, la cour de Saxe de la France. Ce sont principalement les cours de Londres et de Pétersbourg qui s'en donnent le plus de mouvement, puisque celle de Vienne est fort mécontente de la Saxe, de ce que la dernière penche présentement trop pour la France et de ce que celle-ci n'a pas témoigné beaucoup d'empressement d'accéder au traité d'alliance entre Vienne et Pétersbourg, parcequ'on n'a pas voulu lui stipuler des avantages plus considérables et plus réels que ceux qu'on lui a faits par les traités antérieurs. Je sais même que la cour de Vienne est du sentiment qu'on ne devrait plus presser les cours de Dresde et d'Hanovre pour leur accession au susdit traité, parceque l'on ne saurait jamais tirer d'eux aucun avantage réel. Je vous dis tout ceci en confidence pour votre direction.

Au surplus, je trouve vos raisonnements sur les affairés d'Italie fort sensés. Les Autrichiens font ici beaucoup de bruit sur l'avantage que l'armée autrichienne et piémontaise doit avoir eu en Italie sur les Français; je doute que cette affaire ait été si importante que les Autrichiens la prônent, et j'en attends vos nouvelles.

Au reste, vous agissez fort sagement en mesurant bien vos termes lorsque vous parlez aux ministres autrichiens au sujet de mon alliance conclue avec la Suède404-1 et de l'accession que la France y fera; je dois vous dire que je viens d'être informé en dernier secret que la cour de Vienne veut à présent faire jouer tous les ressorts imaginables pour me brouiller avec la France et me détacher de celle-ci, puisqu'elle comprend bien qu'aussi longtemps que la France est unie avec moi, la cour de Vienne ne saura jamais parvenir à ses vues. C'est pourquoi vous devez être sur vos gardes et mesurer fort vos expressions lorsque vous parlerez de mon alliance avec la Suède et de l'accession de la France, afin que cette artificieuse cour où vous êtes ne puisse faire aucun mauvais usage de vos expressions. J'aurais fort souhaité que vous puissiez disposer le nommé Bredow d'aller accompagner la statue que j'ai achetée du prince Liechtenstein jusqu'à Neisse, quoique lui et le nommé Marianski ne soient que des franc-coquins.

Federic.

Nach dem Concept.



403-1 Man nahm in Dresden Anstand, das Creditiv Esterhazy's als Botschafter entgegenzunehmen, weil der französische Botschafter Marquis des Issarts kategorisch erklärt hatte, dass er dem Botschafter des von Frankreich noch nicht anerkannten Kaisers nicht den Vortritt lassen werde.

404-1 Vergl. S. 406