2695. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS, ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE, A VIENNE.

Potsdam, 7 juillet 1747.

La dépêche que vous m'avez faite du 28 du mois passé, m'a été bien rendue; sur laquelle je vous dirai que je commence à ne plus bien espérer des affaires de la république de Gênes et que je crains qu'elle ne soit obligée de plier, avant que les Français seront à même de la secourir.

Au surplus, je veux bien vous communiquer une particularité assez curieuse qui regarde votre personnel et que je viens d'apprendre de fort bon endroit; c'est que la cour de Vienne doit être fort mécontente de vous de ce qu'elle croit avoir tout lieu de vous soupçonner que vous preniez peu à tâche de cultiver la bonne harmonie entre moi et elle, mais qu'au contraire vous donniez occasion à ce que les affaires s'aigrissent de plus en plus entre nous, parceque vous ajoutiez trop légèrement foi à des bruits impertinents et à des fausses confidences que des gens malicieux vous insinuaient. Je sais d'ailleurs qu'en conséquence de cela la cour où vous êtes vient de donner des ordres secrets au général Bernes, pour qu'il en doive se plaindre dans les entretiens qu'il aura avec votre oncle, et qu'il en doive parler encore à d'autres personnes moyennant lesquelles cela pourrait revenir jusqu'à moi. On doit lui avoir allégué entre autres que, lorsque le ministre de Saxe à<430> Vienne, le comte Loss, avait reçu plusieurs dépêches de sa cour par des courriers, relativement aux différends qui s'étaient élevés avec le comte Esterhazy,430-1 vous vous étiez mis dans l'esprit qu'il s'agissait en cela d'une négociation secrète de paix que la Saxe aurait entamée entre la cour de Vienne et celle de France et dont l'article principal serait de reprendre sur moi la Silésie du gré de la France; que sur cette supposition fausse vous n'aviez pas hésité de vous exprimer un jour publiquement dans ces paroles: « Hé bien Monsieur, êtes-vous déjà avancé dans l'ouvrage de la paix que vous voulez moyenner? » C'est ce que l'on avait d'abord rapporté à la cour, qui avait tout lieu de se persuader que vous m'aviez mandé ces suppositions fausses comme des vérités. Quoique toutes ces plaintes prétendues ne feront guère de l'impression sur moi, j'ai cependant bien voulu vous en instruire, bien que pour votre direction seule, afin que vous puissiez agir là où vous êtes avec toute la circonspection et avec toute la prudence possible, pour ne pas donner à la cour où vous êtes quelque prise sur vous. Au reste, je vous défends absolument de parler à personne de cette particularité dont je vous instruis, ni d'en mander quelque chose à qui que ce soit qu'hormis à moi seul. J'ai oublié de vous dire encore que, s'il y a moyen d'avoir le chiffre de ce ministre dont vous me parlez dans le post-scriptum secret de votre relation,430-2 vous devez tâcher à vous le procurer, en dussiez-vous payer même quelque discrétion à part.

Federic.

Nach dem Concept.



430-1 Vergl. S. 403 Anm., 417.

430-2 Lantschinski.