2736. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE FINCKENSTEIN A SAINT-PÉTERSBOURG.

Potsdam, 11 août 1747.

J'ai reçu à son temps les dépêches que vous m'avez faites des 18, 22 et 25 du mois dernier de juillet. Outre les raisons auxqu'elles vous attribuez l'accueil froid que le lord Hyndford vous a fait, et qu'il ne témoigne aucune confidence, il y a une autre raison secrète encore, que je viens d'apprendre d'un endroit très sûr et que je veux bien vous communiquer, quoique pour votre direction seule et sous le sceau du secret le plus absolu; c'est que le roi d'Angleterre n'a point abandonné jusqu'ici le projet de renverser la succession établie en Suède, et qu'indépendamment de l'intrigue de Blackwell échouée,459-1 milord Hyndford travaille fortement sous main à faire entrer la Russie dans les vues du Roi son maître : comme l'article séparé de mon traité d'alliance avec la Suède met des anicroches assez fortes à ces vues, je ne m'étonne pas si milord Hyndford ne vous voit pas de bon œil et s'il est mal disposé à l'égard de moi. Je sais, de plus, que le roi d'Angleterre anime au possible par Hyndford la cour de Pétersbourg à rompre avec la Suède, mais que la cour de Vienne s'y oppose fortement, dé crainte que je ne laisse pas de lui faire un mauvais tour dès que la Russie entrerait en guerre avec la Suède et se verrait obligé par là d'y employer les troupes qu'elle a en Livonie. Vous pouvez compter que tout ce que je viens de vous dire, ne sont point de contes ni de conjectures, mais des faits constatés dont je suis informé à n'en pouvoir pas douter, mais que je ne vous communique que pour votre direction seule.

Sur ce qui regarde la paix générale avec la France, elle ne me paraît pas si proche que l'on se l'imagine peut-être, et, selon les circonstances présentes, les brouilleries pourraient bien continuer encore une couple d'années; mais quand même cette paix se ferait telle que vous la dites dans votre dépêche du 25 juillet,459-2 je suis persuadé que le Chan<460>celier se conservera en place et en crédit; c'est une tête trop fertile en intrigues, et sa clique est trop forte, pour qu'il ait à craindre du mécontement de tous ceux qui lui sont contraires.

Au surplus, la cour de Vienne vient encore d'être ombragée du voyage que je vais faire pour peu de semaines en Silésie, afin d'y voir mes régiments en revue, chacun au lieu où il est en garnison; elle en témoigne tant d'appréhensions qu'elle a donné des ordres à ses régiments en Hongrie de se tenir prêts à marcher, au premier ordre, en Bohême et en Moravie,460-1 et qu'outre cela elle a ordonné au général Pretlack de faire de nouvelles instances à la cour de Russie pour qu'elle l'assistât efficacement en cas que je dusse faire, pendant mon séjour en Silésie, quelque mouvement contre elle. Comme ce sont des craintes tout-à-fait frivoles, je ne les saurais envisager autrement que controuvées tout exprès pour tenir toujours la Russie en jalousie et défiance contre moi. C'est pourquoi j'ai bien voulu vous en avertir, afin que vous soyez à même d'en désabuser l'ami important, en cas qu'il devrait vous en parler, quoique vous vous garderez de lui laisser entrevoir quelque chose de ce que je vous ai mandé par rapport aux ordres que la cour de Vienne a données sur ce sujet à son ministre Pretlack.

Au reste, le parti autrichien ne se lasse point à insister auprès du comte Keyserlingk pour qu'il relève, dans les relations qu'il fait à sa cour, mes prétendus armements et les conséquences dangereuses qui en doivent résulter. Tout ce manége ne se fait que dans le but de rompre par là le voyage que l'Impératrice doit méditer de faire, l'hiver qui vient, à Moscou.

Federic.

Nach dem Concept.



459-1 Vergl. S. 415.

459-2 Finckenstein spricht in diesem Bericht die Ansicht aus, dass durch einen für Frankreich vortheilhaften Friedensschluss die Stellung des Grafen Bestushew erschüttert werden könne.

460-1 In der Vorlage verschrieben: Hongrie.