2789. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH A BAIREUTH.495-1

Potsdam, 7 octobre 1747.

Ma très chère sœur. L'intérêt que vous prenez à ma santé est exprimé avec des termes si obligeants que je n'en saurais vous dire, ma très chère sœur, à quel point j'y suis sensible. Vous seriez capable de m'inspirer de l'amour pour la vie et de m'y attacher plus que je le suis. Vous avez deviné assez juste, j'ai de temps en temps d'assez mauvaises attaques de crampes et de coliques, mais le mal me regarde avec mépris et il ne se donne pas la peine de me vaincre; il me secoue quelquefois rudement, et puis il me plante là.

Nous avons à présent les plus beaux jours du monde, je souhaite que vous en goûtiez les agréments à la maison de campagne où vous<496> êtes à présent. Notre cardinal de Breslau est mort,496-1 je viens d'accoucher d'un nouvel évêque, le Pape en est parrain, je ne sais s'il s'acquittera de son parrainage de bonne grâce.496-2 Le schah Thamas a eu la tête tranchée, après en avoir bien fait sauter de sa vie. Son règne était fondé sur des cruautés énormes; c'était un fameux bourreau qui n'a pu s'assouvir de sang, et qui préférait l'ambition à toute chose.

Pour moi, je suis heureusement désabusé de cette passion; j'ai cuvé le filtre qu'elle m'avait donné, et je ne songe qu'à couler d'une façon tranquille les jours que le Ciel me départ, de profiter du plaisir sans en abuser, de faire tout le bien que je peux, et d'abandonner l'erreur, l'astuce et la vanité à ceux qui en veulent être les dupes.

Je vous demande pardon, ma chère sœur, de ce que je mêle tant de morale dans mes lettres; c'est vous qui me séduisez. Vous avez toute sorte d'esprits, toute sorte de talents et toute sorte de connaissances; on peut vous parler coiffure, guerre, politique, et vous entretenir de la plus sublime philosophie jusqu'aux romans les plus frivoles, sans qu'aucune de ces matières ne vous soit étrangère. Je devrais vous parler davantage de mon amitié, mais elle vous est connue, et je ne veux pas vous ennuyer de ce qui fait le bonheur de ma vie; je vous prie d'être persuadée que ce sont ces sentiments que vous m'avez fait connaître tant de fois, et auxquels je tâche de répondre avec toute la sincérité possible, étant avec tendresse et estime, ma très chère sœur, votre très fidèle frère et serviteur

Federic.

Nach der Ausfertigung im Königl. Hausarchiv zu Berlin. Eigenhändig.



495-1 Fehlt unter den in den Œuvres de Frédéric le Grand Bd. XXVII abgedruckten Briefen des Königs an die Markgräfin von Baireuth.

496-1 Graf Sinzendorff; gestorben 28. September 1747.

496-2 Vergl. S. 18. 502.