2829. AU MARQUIS DE PUYZIEULX, SECRÉTAIRE D'ÉTAT DE FRANCE, A FONTAINEBLEAU.

Potsdam, 8 novembre 1747.

Monsieur. Dans le poste où vous êtes, il est facile de se laisser surprendre : des insinuations artificieuses, des défiances adroitement inspirées, des mensonges débités avec assurance, tout cela peut rendre incertain l'esprit d'un ministre. Je n'ai cependant jamais douté de votre pénétration, ni que vos lumières supérieures ne perçassent sans peine ces petits nuages par lesquels les ennemis de la France plutôt que les miens ont voulu vous faire illusion. Le caractère de la vérité a cela de propre que son évidence se soutient à la longue et confond le mensonge. Quelques moments de réflexion y ramènent les bons esprits. Car comment vous faire méconnaître les véritables amis de la France? Et comment ne distingueriez-vous pas sans peine les liens cimentés sur les fondements durables des intérêts réciproques, de ces amitiés passagères et précaires? des alliés qui peuvent être d'une grande utilité à la France, d'alliés qui ne lui seront jamais qu'à charge? des avis sincères, de je ne sais quelles misérables finesses dans lesquelles les princes faibles font consister leur politique? Je n'en dis pas davantage sur ce sujet, j'ai une si haute opinion de vos talents et de votre mérite que je me confie tout-à-fait à votre caractère. Quant aux insinuations qu'on pourrait me faire, je puis vous dire avec assurance que vous ne devez pas vous en embarrasser; je connais trop les personnes d'où elles partent et le but qu'elles se proposent, pour me laisser prendre à un hameçon aussi usé. Personne n'a plus d'estime pour le roi de France ni ne s'intéresse plus à sa gloire que je le fais; je crois lui en avoir donné des marques dans le passé, et vous devez convenir que je lui en donne encore. Ne cherchez point de détours dans ma conduite; elle est aussi simple que mon cœur: je n'aspire point à l'infâme gloire de tromper le genre humain, mais aussi ne veux-je être ni soupçonné ni trompé.

Je suis avec beaucoup d'estime, Monsieur, votre bien affectionné

Federic.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei. Das Concept eigenhändig.

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