<198> il voulait bien ne leur point cacher qu'il savait pour sûr et certain que j'avais été des plus mécontents de la signature imprévue des préliminaires, que je ne m'en étais même point caché à la cour de Versailles, et que, qui plus était, je ne discontinuais point de représenter à la France les prétendus avantages qui pourraient lui revenir de la continuation de la guerre; que le maréchal de Saxe, qui de son côté ne laissait que d'avoir du mécontentement des préliminaires, appuyait de tout son mieux mes représentations à sa cour, en tâchant de lui persuader qu'après la prise de Mastricht le renversement total de la République ne saurait guère être éloigné, et qu'alors on ne manquerait pas d'obtenir des conditions de paix bien plus avantageuses pourla France. Le chevalier Legge doit avoir continué par dire que, pour prévenir tout ce qui pourrait résulter de ce que dessus, il fallait, selon lui, se servir de deux moyens, dont le premier était d'accélérer l'ouvrage de la paix, pour empêcher, par sa prochaine conclusion, que mes pernicieux conseils et ceux du maréchal de Saxe ne puissent trouver assez de temps pour s'accréditer de façon à l'emporter ensuite sur toute autre considération ; qu'il faudrait instruire à cet effet le comte de Kaunitz de témoigner encore plus de facilité sur l'ouvrage de la pacification générale qu'il ne l'avait fait jusqu'ici. Que, quant au second moyen, il fallait du moins jusqu'à l'entière conclusion de la paix tâcher de m'empêcher à faire naître plus de difficultés qui pourraient mettre obstacle à la paix. Que c'était là où portaient les vues de sa cour, à lui, Legge, qu'elle n'ignorait pas qu'il n'y avait point de quoi se reposer sur moi, mais qu'elle savait à en être convaincue que, par le désir que j'avais de m'agrandir, je n'omettrais rien pour exciter constamment la France contre les alliés; que le roi d'Angleterre abhorrait ma façon de penser, qu'il était bien éloigné d'entrer dans de nouveaux engagements avec moi, qui ne seraient point de durée; que cependant ce Prince, pour l'amour de l'avantage de la cause commune, se voyait maintenant obligé à me ménager, pour empêcher de la sorte que je ne tâchasse d'animer la France à rompre les conférences et que je ne me liasse avec cette dernière, auquel cas la balance, nonobstant le secours des auxiliaires russes, ne manquerait pas de pencher du côté de la France. Que, pour ce qui était du bruit qui avait été répandu que l'Angleterre était intentionnée de se servir dorénavant de mon aide pour le maintien de l'équilibre en Europe, la cour de Vienne en avait été désabusée comme d'une chose qui n'était venue en pensée ni à la cour ni à la nation anglaise, par la persuasion dans laquelle on était en Angleterre qu'il me manquait assez de forces pour entreprendre et soutenir un ouvrage de pareille importance.

Voilà les discours que doit avoir tenus le chevalier Legge aux susdits ministres, à son retour d'Hanovre.

Vous voyez bien qu'ils diffèrent de beaucoup de ses sentiments d'autrefois, et il faut que ce soit à Hanovre qu'on ait pu lui donner de semblables idées.