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3345. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION DE ROHD A STOCKHOLM.

Potsdam,16 novembre 1748.

J'ai reçu la dépêche que vous m'avez faite le 1er de ce mois, concernant la confidence que le comte Tessin vous a faite par rapport aux desseins des cours de Vienne, de Pétersbourg et de Copenhague. Dites-lui là-dessus qu'il pourrait être tout-à-fait tranquille touchant les intentions qu'il suppose à la cour de Vienne relativement à moi, parceque tout était réglé de façon que je n'en avais rien à craindre; mais pour ce qui concernait les affaires de la Suède, j'étais tout-à-fait sûr que, pourvu qu'on ne touchât point à la forme présente du gouvernement en Suède, lorsque le Roi sera décédé, ni la Russie ni le Danemark ne voudront tenter quelque chose contre l'ordre de succession établi en Suède. Si le. sieur Panin a tenu des propos, qui donnent à penser sur la mauvaise intention de la Russie, il me paraît qu'il les a tenus à dessein, pour être rapportés et pour en intimider les Suédois; d'ailleurs je suis fort porté de croire que l'envoi du courrier russien par Stockholm à Copenhague n'a été qu'une grimace ou ostentation toute pure. Néanmoins vous direz de ma part à ma sœur que je lui conseillais qu'elle et le successeur à la couronne tâchent également de leur mieux de réunir, autant qu'il sera possible, les esprits, afin d'empêcher par là que les voisins de Suède ne puissent avoir leurs mains dans les affaires de ce royaume.

Mes dernières lettres de Pétersbourg m'assurent que jusqu'ici les apparences n'y étaient pas que les Russes voudraient tout de bon entrer en guerre avec la Suède; l'on voyait bien que le chancelier Bestushew avait envie d'en imposer, mais que jusqu'à présent les effets n'y répondaient pas; que d'un autre côté la naissance du prince Charles1 donnait une nouvelle consistance à l'autorité du Prince Royal dans l'intérieur de la Suède : c'était ce que l'on sentait fort bien à la cour de Pétersbourg et ce que le Chanceher même ne comprenait que trop. Tout dépendrait des dispositions des Suédois. Si après la mort du roi de Suède on se pouvait passer d'une Diète extraordinaire, ou si, dans le cas de cette Diète, on avait pris la résolution de ne pas toucher à la forme du gouvernement — dans l'un et dans l'autre de ces deux cas il n'y aurait rien à craindre, quoique le premier soit toujours le plus sûr. L'on ajoute que, si dans le second cas il ne fût question que d'assister à une simple cérémonie, savoir au couronnement du nouveau roi, et qu'on prît soin d'écarter dans les Universaux, aussi bien que pendant la ténue de cette Diète, tout ce qui pourrait conduire à un changement dans la forme du gouvernement — dans ce cas les Suédois n'auraient rien à craindre de la Russie, et que tout le bruit que le Chancelier pourrait faire, n'aboutirait à rien et se bornerait à



1 Vergl. S. 243 Anm. 2.