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3418. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS, ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE, A VIENNE.

Berlin, 7 janvier 1749.

J'ai reçu votre dépêche du 28 de décembre dernier. Je ne désapprouve nullement que vous me disiez vos sentiments par rapport à l'objet que vous croyez que les deux cours impériales puissent avoir dans leurs concerts secrets; je crois cependant qu'il est toujours bon de vous aider par de certaines réflexions que je vais vous suppéditer, afin que vous puissiez d'autant mieux vous orienter sur ces affaires. Vous devez donc réfléchir

1° Que ni la France ni l'Angleterre, les deux puissances balancières de l'Europe, ne veulent de guerre dans ce temps-ci.

2° Que, quand même le chancelier de Russie aurait les desseins que vous lui supposez à l'égard de la Suède, il faut que vous sachiez que tel ascendant qu'il peut avoir gagné sur sa souveraine, il n'est pas tel qu'il puisse faire absolument tout ce qu'il veut.

3° Qu'il s'en faut beaucoup que la Russie soit en état d'entreprendre une guerre difficile et coûteuse, sans y être aidée par les Puissances maritimes.

4° Supposé que le chancelier Bestushew ait le dessein de renverser entièrement l'ordre de succession établi en Suède, je vous prie de me dire quel autre prince il pourrait choisir pour le mettre à la place du Prince, successeur au trône de Suède? Voudrait-il y placer le grand-duc de Russie, en l'obligeant à renoncer à la succession de Russie? Ce serait donner les armes à la main à celui-ci pour se venger de l'affront qu'on lui avait fait. Choisir le roi de Danemark pour succéder au roi de Suède, serait agir contre les intérêts les plus essentiels de la Russie. Quant au duc de Cumberland, je ne saurais point croire que le roi d'Angleterre voudrait faire jouer à celui-ci le rôle d'un aventurier, sans compter que la Russie ne voudra jamais se mettre une telle épine au dos, qui pourrait coûter cher un jour à la Russie, par l'assistance qu'un tel roi de Suède aurait à espérer de toutes les forces de la Grande-Bretagne, Ainsi donc, je ne vois aucun prince en Europe que le chancelier de Russie pût choisir pféférablement au successeur présent à la couronne de Suède.

Et comme d'ailleurs toutes mes lettres de Russie m'assurent que la Suède n'aura point à craindre de celle-là, à moins que celle-ci ne s'avise à changer la forme du gouvernement présent, j'avoue que je penche fort à croire qu'il n'y a pas de la réalité dans tout ce qui se débite présentement à Vienne sur ce sujet-là.

Federic.

Nach dem Concept.