3093. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS, ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE, A VIENNE.

Berlin, 31 mai 1748.

J'ai reçu vos dépêches du 20 de 'ce mois. Il serait impossible aux Autrichiens de continuer eux seuls à soutenir la guerre en Italie, et supposé que l'envie leur en vînt, ce serait une grande sottise à eux, qui surpasserait de beaucoup toutes celles qu'ils ont faites jusqu'à présent. Pour ce qui est du roi de Sardaigne, il est bien à croire qu'il se conformera aux Puissances maritimes et qu'il ne prendra plus de détour à suivre leur exemple, dès que lesdites puissances lui feront dire qu'en cas qu'il ne voulût pas acquiescer aux préliminaires de paix, il risquerait par là la garantie de ses autres possessions et cessions qui lui ont été faites par la reine de Hongrie.

J'envisage, au reste, ces remuements de la reine de Hongrie et du roi de Sardaigne comme causés par une consternation, à la première nouvelle de la paix, et je m'imagine qu'ils y mettront fin, dès qu'ils verront qu'il n'y a rien à changer au parti qui leur reste à prendre. La cour de Vienne surtout mettra de l'eau dans son vin, lorsqu'elle sentira son impuissance, en voyant que, par le bon accord et la fermeté qu'il y aura entre la France et les deux Puissances maritimes, elle ne pourra exécuter ses desseins envenimés qui peuvent lui être montés en tête, et qui ne sont proprement à regarder que comme une vaine démonstration de ce que la cour de Vienne serait charmée d'être en état de pouvoir faire.

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Quant à la Russie, je vous fais la réflexion que vous ne devez jamais perdre de vue, qui est que tout ce que la cour de Pétersbourg fait, elle le fait pour de l'argent, et qu'ainsi les Autrichiens ne pourront en aucune façon tirer parti de ses troupes qui sont actuellement ni pour l'Italie ni pour ailleurs.

L'attente où, selon votre post-scriptum, l'on pourrait paraître vouloir me mettre, de perdre la faveur du comte Ulfeld, en cas que j'insistasse à ce que le prince de Lobkowitz se défît de son duché de Sagan, ne me toucherait pour rien, et vous pourriez dire sèchement à ce sujet que je n'avais pas affaire à tel point de la cour de Vienne pour devoir me captiver la bienveillance de ses ministres par des arrangements qui d'ailleurs seraient préjudiciables à mes intérêts; que, si la reine de Hongrie se prêtait à me faire plaisir, je ne lui resterais point en arrière à en faire de même, mais que je ne ferais aucune démarche extraordinaire pour l'amour de ses ministres.

Je suis satisfait et je consens en conséquence que le colonel de Krummenau, qui a été arrêté en Hongrie,129-1 soit relâché de son arrêt, à condition que je fasse de mon côté remettre en liberté le sieur de Damnitz. Vous conviendrez sur cette affaire, là où vous êtes, mais je veux bien vous dire que je n'ai point envie après cela de retenir ledit de Krummenau dans mon service, et que je vous envoie ci-joint son congé, afin que vous deviez de lui remettre, quand il sera libre et arrivé à Vienne.

Federic.

Nach dem Concept.



129-1 Vergl. Bd. V, 435.