3142. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS, ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE, A VIENNE.

Potsdam, 5 juillet 1748.

J'ai reçu votre dépêche du 26 de juin dernier. J'espère de me faire jour, sur la marche et le séjour des troupes russiennes en Allemagne, à l'arrivée du duc de Newcastle à Hanovre. Jusqu'à présent, ce n'est qu'une vision à laquelle on ne saurait rien développer pour savoir si cette marche se fait sur l'instigation des Russes ou bien des Autrichiens, ou si c'est l'Angleterre qui la souhaite. Si j'en puis croire les apparences, il se pourrait que les Puissances maritimes eussent fait marcher lesdites troupes jusqu'à ce qu'elles aient été assurées que toutes les puissances qui ont participé à la guerre accéderaient aux préliminaires de paix, et que la France n'en romprait les négociations. Toutefois le ministre de cette dernière couronne à Aix-la-Chapelle, le comte de Saint-Séverin, commence à se donner des mouvements sur cette marche. Je veux bien me persuader aussi que les ministères de Russie et de Vienne seraient bien aises de faire avancer plus loin encore le corps des auxiliaires russiennes, et que ce soit là l'objet qui se traite dans les conférences qui se tiennent à Vienne avec les ministres d'Angleterre et de Hollande, et que l'envoi des différents courriers y ait du rapport; mais, après tout,<163> je ne puis me convaincre jusqu'à pre'sent qu'il en résulte quelque chose d'efficace.

Au reste, je ne comprends point l'utilité que les Autrichiens retireraient d'une Association qu'ils feraient dans l'Empire;163-1 elle aurait, à la vérité, pu produire des effets favorables aux Autrichiens, s'ils l'avaient pu concilier avant la paix; mais, la paix faite, ces effets viennent à cesser absolument et mettent ainsi l'Association même hors d'œuvre. Les Russes d'ailleurs, s'ils marchent en Franconie ou en Souabe, pourraient très bien désoler les États de quelques princes d'Empire, sans néanmoins être à même par là d'obliger à rien les Électeurs, qui cependant seuls donnent le plus de branle aux affaires de l'Empire.

Pour ce qui est des restitutions stipulées à la république de Gênes et celle du duc de Modène dans ses États, il faudra apparemment que la reine Hongrie s'y prête.

Je veux bien vous dire encore que je me tiens assuré que l'Impératrice-Reine trouvera que ses finances, nonobstant les arrangements qu'elle y peut mettre, se dérangeront de nouveau, quant elle y pensera le moins, par le payement des dettes dont elle est surchargée et dont elle-même ignore le poids excessif. L'Impératrice-Reine doit être considérée comme une princesse qui pense régler ses revenus sans savoir l'état de ses dettes ni comment elles pourront être acquittées. A peine a-t-elle mis quelque ordre dans ses finances, qu'elle les voit tout aussitôt dérangées par ce qu'elle a contracté de dettes, de sorte que je regarde ses arrangements de finance qu'elle fait aujourd'hui comme inutiles et sans effet dans un certain sens, tant qu'ils ne seront pas établis sur un pied plus stable que jusqu'à présent, c'est-à-dire qu'elle sache ses dettes, et que les épargnes qui pourraient se faire à ce sujet soient effectivement employées pour leur payement.

Federic.

Nach dem Concept.



163-1 Vergl. S. 71.