3555. AU ROI DE LA GRANDE-BRETAGNE A LONDRES.

Berlin, 18 mars 1749.

Monsieur mon Frère. Les intérêts de Votre Majesté et les miens sont les mêmes pour la conservation de la tranquillité dans le Nord. Il se répand des bruits dans toute l'Europe que cette tranquillité pourrait être troublée; pour moi, je n'y vois dans le fond aucune apparence, et il semble qu'il n'y a que des méfiances réciproques et des soupçons mal fondés qui aient pu jusqu'ici accréditer ces bruits.

Mais comme les plus petits objets, en grossissant, peuvent tirer à conséquence, qu'on ne doit rien négliger pour le maintien de la paix, et que tout devient important à ceux qui aiment à la conserver, je m'adresse à Votre Majesté, que je connais être dans les mêmes sentiments, pour qu'en réunissant nos soins nous puissions y contribuer d'autant plus efficacement.

Les soupçons que les voisins de la Suède ont pris contre elle, ne peuvent porter que sur deux objets.

L'un, qui paraît visiblement frivole, regarde les projets dangereux qu'on paraît vouloir imputer à cette puissance contre ses voisins. Votre Majesté est trop éclairée pour n'en pas voir la fausseté, du premier coup d'œil.

L'autre tombe sur le changement de la forme présente du gouvernement de Suède dont on prête le dessein au Prince-Successeur. B me semble que la déclaration que ce Prince et le Sénat ont faite en dernier lieu à la cour de Russie sur ce sujet,445-1 est si claire, si positive et si sage qu'elle ne laisse rien à désirer aux puissances qui s'intéressent au maintien du gouvernement présent de ce royaume.

L'alliance défensive que j'ai faite avec la Suède, à laquelle la France a accédé, et dont on a fait voit l'original au comte de Keyserlingk, ministre de Russie à ma cour, ainsi que j'en ai d'abord fait communiquer en son temps la copie au ministère de Votre Majesté à Londres, ne roule point sur des innovations, mais elle ne nous engage pas moins, la France et moi, à maintenir la succession actuellement<446> établie en Suède et à nous défendre mutuellement contre quiconque voudrait nous attaquer.

A Dieu ne plaise que je suppose d'aussi noirs desseins à des puissances amies, et que j'ose les soupçonner de projets aussi dangereux. Mais je prie Votre Majesté de vouloir joindre Ses soins aux miens afin d'amener les deux partis à des éclaircissements qui leur seront également salutaires. Je La prie de faire attention à tous les points que je viens de Lui exposer et d'employer Son crédit et Ses bons offices pour étouffer un feu qui couve sous les cendres et qui, s'il vient à éclater, communiquera son embrasement à toute l'Europe.

Je suis prêt et je m'offre avec plaisir pour entrer dans toutes les mesures que Votre Majesté jugera capables de conserver la paix, persuadé que Sa Majesté Très Chrétienne, qui n'a pas moins à cœur que nous le maintien de la paix de l'Europe et la tranquillité du Nord, joindra ses efforts aux nôtres, pour y contribuer puissamment.

L'occasion qui se présente à Votre Majesté est une des plus favorables pour augmenter la gloire de Son règne, pour maintenir le bonheur de Ses États, et pour donner des preuves réitérées et authentiques du désir sincère qu'Elle a de conserver la paix de l'Europe.

Je suis avec les sentiments de la plus parfaite considération et de l'amitié la plus sincère, Monsieur mon Frère, etc.

Federic.

Nach dem Concept.



445-1 Vergl. S. 373. 375. 440.