3626. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS, ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE, A VIENNE.

Potsdam, 22 avril 1749.

Il est vrai que le chancelier Ulfeld se plaint fort de vous comme si vous n'étiez presque plus visible dans sa maison, ainsi qu'on a même voulu prévenir par là le roi d'Angleterre, qui, dans une audience qu'il a donnée en dernier lieu à mon ministre de Klinggræffen,505-3 a dit à celuici que la cour de Vienne n'avait déclaré que des sentiments pacifiques et que le comte Ulfeld avait ajouté que, si vous aviez bien voulu lui parler sur cette matière, il y aurait longtemps qu'il vous aurait tranquillisé là-dessus.505-4 Comme je n'ignore pas combien l'on peut faire fond sur tout cela, je ne désapprouve point la conduite que vous avez tenue a cet égard, étant persuadé que vous n'avez rien fait là-dessus que ce que vous avez trouvé conforme au bien de mon service. Aussi, quand le comte d'Ulfeld vous en parlera encore, vous n'avez qu'à l'entendre avec indifférence, en faisant semblant comme si tous ces campements<506> que la cour voudrait former et tous ses autres arrangements militaires ne nous regardaient nullement.

En attendant, toutes les apparences sont jusqu'à présent que l'Angleterre ne voudra point entrer dans les concerts pris entre les deux cours impériales par rapport aux affaires du Nord, et que la cour de Vienne pourra bien se voir obligée d'abondonner son plan favori. Ce n'est pas que le roi d'Angleterre ait manqué de mauvaise volonté; mais, comme ses ministres n'osent prendre sur eux d'embarquer la nation contre son gré dans de nouvelles dettes, l'on se voit obligé de rester tranquille. Malgré cela, la cour de Vienne ne cesse pas encore de faire jouer tous les ressorts imaginables pour brouiller encore les affaires du Nord, et elle a tant intrigué auprès de celle de Russie que celle-ci fera déclarer aux cours de Londres et de Vienne qu'elle ne saurait se fier à la déclaration équivoque que le ministère de Suède avait faite au sieur Panin à Stockholm, qu'elle avait plutôt lieu de croire que la Suède avec ses alliés couvaient encore des desseins fort pernicieux, et qu'en conséquence celle de Russie se voyait obligée de réclamer l'assistance de ses alliés. J'ai bien voulu vous avertir, quoique sous le sceau du dernier secret, de ces particularités, que je tiens de bon lieu, pour que vous puissiez d'autant mieux observer la contenance de la cour où vous êtes, et ce qu'elle voudra faire quand [sera arrivé] le courrier que Bernes a dépêché de Moscou pour porter la déclaration mentionnée de la cour de Russie à Vienne.

Au surplus, si la cour de Vienne s'arrête dans ses arrangements militaires, elle en peut avoir de deux raisons l'une : ou qu'elle commence à perdre l'espérance de pouvoir mener à ses fins l'Angleterre, ou qu'elle s'aperçoit qu'elle a fait hors de saison trop d'éclat de ses armements, et que, par l'ombrage que j'en ai pris, elle pourrait risquer d'être prévenue avant que tous ses ressorts seraient prêts à jouer, ainsi qu'elle souhaiterait bien à présent de m'endormir par des démonstrations pacifiques. B n'y a que le temps qui saura nous éclaircir là-dessus.

Federic.

Nach dem Concept.



505-3 S. 508.

505-4 S. 465.