<231> surtout à la manière dont le roi de France prend à cœur, dans toutes les occasions, les intérêts de la Prusse. Nous sommes chargés de vous assurer, Monsieur, de l'envie qu'a le Roi de rendre tous les services à la France qu'elle peut attendre d'un aussi bon allié que le Roi notre maître et de la résolution inviolable dans laquelle Elle [Sa Majesté] est de lui en donner des preuves dans toutes les occasions.

Le mémoire du comte Desalleurs que vous nous avez communiqué, contient les plaintes que le Grand-Visir lui a faites de ce que nous ne nous étions pas prêtés au désir de la Porte dans le temps qu'elle avait fait des avances pour nous offrir son alliance,1 les insinuations que les ennemis de la France et de la Prusse ont faites à Constantinople, pour y calomnier ces deux puissances, en leur prêtant des intentions qu'elles sont bien éloignées d'avoir l'une et l'autre, et enfin le projet du traité tel que le propose M. Desalleurs et tel qu'il le croit faisable.

Nous répondons à ces trois points que ce n'a point été par mépris, dans un temps où la guerre se faisait avec bien de la vivacité, que le Roi a décliné l'alliance du Turc; que ce refus qu'il a fait en temps de guerre de s'allier à la Porte, doit bien servir à réfuter les discours des Russes et des Autrichiens, car c'aurait été alors le temps d'engager les Turcs dans les troubles de l'Europe, et si on ne l'a pas voulu alors, comment y penserait-on à présent que toute l'Europe est en paix? Les combinaisons différentes et les événements gouvernent la politique des Princes, d'où vient que ce qui n'est pas faisable dans un temps, l'est dans l'autre, et que, sans mépriser une puissance, on peut, sans la choquer, différer d'entrer dans ses vues.

L'article précédent répond en même temps aux imputations de nos ennemis; nous sommes cependant bien aises de remarquer en passant que les ennemis du Roi font les mêmes insinuations à Constantinople qu'ils ont faites auparavant à Paris, ce qui montre assez clairement qu'ils tiennent pour eux comme un point capital de rendre le Roi odieux à ses alliés et à ceux qui pourraient le devenir, mais principalement de brouiller ou de semer de la méfiance entre les Rois nos maîtres : ce qui' leur donnerait gain de cause.

Nous en venons à présent au projet du traité, sur lequel nous observons qu'il est tout différent de ce que nous en avions espéré. Après avoir mûrement réfléchi sur sa teneur, nous ne pouvons pas apercevoir ce que le Roi ni ses alliés y gagneraient, parcequ'il n'engage la Porte Ottomane à rien de plus que ce qu'elle est déjà à présent par son traité avec la Suède. Supposons que la guerre s'allume dans le Nord: les Turcs ne sont-ils pas actuellement dans l'obligation d'assister la Suède et de rompre avec la Russie? Quand même notre traité fortifierait ces liens, les Turcs en feront-ils davantage?

Mais voici, autant qu'on en peut juger — supposé la guerre du Nord — quelle tournure les choses prendraient pour nous. En secourant




1 Vergl. Bd. IV, 213. V, 306. VI, 307.