<232> la Suède, nous devons nous attendre à une irruption en Prusse de la part de la Russie, qui serait suivie d'une invasion des troupes autrichiennes en Silésie. Contre d'aussi puissants ennemis nos forces divisées deviendraient trop faibles de tous les côtés, et nous ni nos alliés ne peuvent tirer davantage du traité avec le Turc qu'en le dirigeant contre la reine de Hongrie; ce serait un frein qui la'retiendrait et qui bon gré mal gré l'obligerait à observer religieusement ses traités. Pour ne choquer la délicatesse de personne, nous n'avions fait mention d'aucune puissance dans le projet du traité qui a été envoyé au comte Desalleurs, et nous en avons jugé la teneur si innocente qu'on aurait pu le publier après sa signature, sans que personne aurait pu trouver à y redire. Il n'y aurait rien de plus facile que d'exclure les Polonais du cas de l'alliance. Comme les Turcs craignent de donner des secours contre cette République, ne pourrait-on pas en convenir par un article secret et séparé?

Au fond, nous ne regardons l'alliance du Turc que comme une affaire d'ostentation, et dès qu'elle ne sert pas de frein pour retenir la cour de Vienne, elle nous devient inutile. C'est notre véritable ennemie, et si quelqu'un nous fait la guerre, selon toutes les apparences ce ne sera que la reine de Hongrie. C'est donc pour nous garantir de ce côté-là que se doivent tourner tous nos soins, et l'alliance que la Suède a faite avec les Turcs contre la Russie, quoique très bonne pour la Suède, n'est point applicable pour nos intérêts.

Vous remarquerez encore, s'il vous plaît, que le projet de notre accession ne pourrait avoir lieu qu'après que les Turcs et les Suédois nous auraient invités, ce qui ferait transpirer le secret à coup sûr, au lieu qu'une nouvelle alliance ne serait pas sujette à tant d'inconvénients.

Nous sommes obligés d'ajouter à ceci que nous ne craignons point de faire une alliance avec le Turc, et que personne ne nous en pourrait faire des reproches. L'Empereur, comme duc de Toscane, n'a-t-il point fait un traité avec les barbares d'Alger et de Tunis? et nous pensons que le Roi, comme roi et comme duc souverain de Silésie, est tout aussi indépendant que l'Empereur.

Sa Majesté désire donc que-, sous le bon plaisir du Roi Très Chrétien, le chevalier Desalleurs veuille employer ses soins à la Porte pour faire accepter le précédent projet de traité tel que nous l'avons fourni, avec la clause de l'exemption de la Pologne. Nous nous relâcherons sur la durée de l'alliance, que l'on peut stipuler pour trente ans et même pour davantage, et nous renverrons le traité de commerce après la conclusion de celui-ci.

Nous nous flattons qu'après que l'on aura vu nos raisons à la cour de France, l'on conviendra de leur validité, et qu'on voudra bien nous avertir du moment où le Roi doit envoyer un ministre à Constantinople avec espérance de conclure le traité sur ce pied-là.

Federic.

Eigenhändig.