1. Au Comte d'Ulfeld.

Berlin, 30 décembre 1749.

La lettre ci-jointe, que j'ai reçue hier par un courrier russien qui va à Copenhague et à Stockholm, est d'une nature que je crois indispensable d'en envoyer copie à Votre Excellence, avant que d'en exécuter la moindre chose de son contenu. Le pas est glissant, comme Votre Excellence en conviendra avec moi; car outre que je ne saurai pas trop par qui faire mettre la puce à l'oreille de M. Gross, je ne sais non plus à qui confier les desseins prétendus du parti dominant en Suède contre la personne de l'impératrice de Russie, et comment lui donner assez de vraisemblance pour engager ce ministre à en faire usage envers sa cour. Toute considération faite, je me suis proposé de ne rien faire sans avoir réponse de Votre Excellence. Si Elle l'approuve, je tenterai l'impossible pour satisfaire au contenu de la lettre, qui, si elle venait à être exécutée, n'augmenterait pas peu les méfiances qui régnent entre les deux cours de Moscou et de Stockholm. Le ministre de Russie m'a communiqué dans le plus grand secret le mémoire que Banin a ordre de présenter à Stockholm, dans lequel il doit proposer une nouvelle convention pour lever tout le levain qui pourrait causer des troubles dans le Nord. Je ne m'étends pas sur cette matière, sachant que M. de Bernes a écrit amplement en cour, et que M. de Bestushew à Vienne doit présenter un mémoire pour engager Sa Majesté Impériale à vouloir faire goûter cette convention à la Suède et à vouloir reconnaître le casus fœderis, en cas que celle-ci ne voulût y donner la main. Gross a ordre d'employer tous ses soins pour découvrir de quel côté la résolution penchera ici, dès que la connaissance de la nouvelle convention sera parvenue au roi de Prusse. Il m'a prié d'y veiller, mais il paraît qu'on s'accoutume que la Russie donne les avis à cette cour. J'ai l'honneur etc.

Comte de Puebla.

<207>

Bernes à moi, Puebla.

[Moscou], 12 décembre 1749.

J'ose vous faire, dans le plus grand secret, la réquisition qui suit: On souhaite que vous fassiez glisser à l'oreille de M. de Gross, ministre de cette cour — mais cela avec tant de précaution qu'il ne puisse jamais soupçonner que la chose vienne de vous — qu'il se machine en Suède des choses contre la personne de l'Impératrice auxquelles la cour de Prusse a sa bonne part. Et comme ledit ministre ne manquera probablement pas de vous faire confidence de cette découverte, vous êtes prié de lui répondre que n'en sachant rien vous feriez des recherches, et de la lui confirmer en suite comme chose que vous auriez apprise par perquisition. Je m'en remets à tout ce que vous trouverez à propos de faire ou de ne pas faire sur une chose aussi délicate, n'ayant pu me dispenser de vous écrire la lettre, dont j'envoie copie en cour et à laquelle il me suffira, pour toute réponse, que vous m'en accusiez la reception tout naturellement par la voie de la poste.