<386> Pretlack continuant d'ailleurs par avertir confidemment son ami que la cour de Russie était intentionnée de retirer ses troupes de la Finlande, mais d'un autre côté de les faire avancer incontinent vers la Livonie et ainsi plus proche des frontières de la Prusse.

Vous pouvez compter, Milord, que toute cette manœuvre de la cour de Pétersbourg, quand bien elle se réaliserait, ne me mettra point en mouvement, mais que je la laisserai aller son train, faisant semblant comme si je n'en entendais rien. Aussi serais-je charmé alors que la cour de France, supposé que le cas arrivât, voulût bien faire de même et n'en pas parler.

Mes avis secrets de Saxe portent que le comte Keyserhngk doit avoir confié à un de ses intimes qu'en conséquence des assurances que le ministère de Dresde lui avait données, cette cour se déclarerait en peu de jours très favorablement à l'égard de son accession au traité entre les deux cours impériales fait en 1746, mais qu'elle instruirait d'ailleurs ses ministres à la cour de Russie, d'Arnim et Funcke, de négocier cette affaire à Pétersbourg et de la finir au plus tôt possible.1

Comme d'ailleurs la cour de Vienne n'a pas été fort édifiée de ce que le comte Keyserlingk n'ait voulu entrer en tout aveuglément dans ses vues, le général Pretlack, qui semble à présent faire la pluie et le beau-temps à la cour de Pétersbourg, doit avoir trouvé moyen par ses intrigues, et en représentant que le comte Keyserhngk était plus dévoué à la cour de Dresde qu'à la sienne propre, de le faire rappeler en peu de Dresde. On doit même avoir déjà fait insinuer de Pétersbourg au comte Keyserlingk sous main par une tierce personne qu'il y avait un changement sur le tapis à son égard.2 Mais que, dès que le comte Brühl en avait eu le vent, il s'était fort plaint au ministre autrichien à Dresde que la cour de Vienne tâchait d'inspirer toutes sortes d'idées sinistres contre celle de Dresde et qu'elle ne manquait point d'occasion pour expliquer en mal les actions et les sentiments de sa cour et tâchait par là de faire naître des soupçons à la Russie contre la Saxe. Qu'on savait que, par les suggestions de la cour de Vienne, il était comme résolu que le comte de Keyserlingk serait rappelé, mais que, comme ce dernier retournerait difficilement en ce cas en Russie, mais quitterait plutôt son service, on n'obtiendrait par là que de faire perdre à la Russie un ministre habile, qui outre cela possédait une connaissance extraordinaire des affaires de Pologne et qui par ses lumières avait en toute rencontre rendu de grands et signalés services à la cour de Dresde.3

Le ministre autrichien, comte de Sternberg, doit avoir entendu avec beaucoup d'indifférence ces propos du comte Brühl et avoir nié qu'on ait donné de mauvaises impressions à la cour de Pétersbourg contre celle de Dresde, ajoutant qu'il ne savait rien d'un changement à faire avec le comte Keyserlingk.



1 Sternberg an Pretlack, Dresden 12. Juni.

2 Pretlack an Sternberg, Petersburg 8. Juni.

3 Sternberg an Pretlack, Dresden 12. Juni.