<496> élevés entre le Roi et le Sénat de Suède; que ce ministre s'était ingéré dans plusieurs affaires qui ne concernaient que des choses purement domestiques, et que cela allait si loin de sa part que ma sœur avait tout lieu de s'en plaindre; que, selon mon sentiment, tout ministre étranger qui pense bien pour une cour à laquelle il est envoyé, ne devait jamais prendre parti, quand il y avait des différends, mais tâcher plutôt de les étouffer et de concilier les différends partis, et qu'en conséquence le marquis d'Havrincourt n'aurait point dû se déclarer ni pour ou contre le Roi, ni Lieven, ni le Sénat, mais s'employer plutôt à les concilier moyennant une conduite parfaitement impartiale.

Que milord Tyrconnell conviendrait, selon la sagesse que je lui connaissais, qu'il saurait être indifférent à la France, à moi et à toute l'Europe que Lieven fût le favori du roi de Suède ou tel autre, tandis qu'il n'inspirait à la cour des choses qui ne convenaient nullement aux circonstances présentes et qui sauraient allumer un feu de guerre dans le Nord.

Que pour ce qui était de mon dit ministre de Rohd, que je ne saurais point le condamner de ce qu'il n'avait pas voulu prendre part, ni se mêler de choses qui ne touchent point un ministre étranger et qui ne regardent que purement et simplement les affaires domestiques d'une cour. Que tout au contraire j'étais obligé d'approuver la conduite que mon ministre avait tenue à cet égard. Que, si M. d'Havrincourt se plaignait de Rohd de ce qu'il n'avait pas travaillé sur un même plan avec lui, il n'y avait point de la faute de celui-ci, parceque naturellement il n'avait pas pu travailler sur un plan que le marquis d'Havrincourt ne lui avait jamais communiqué : quel moyen y a-t-il d'aller de concert sur un plan dont on n'a jamais eu communication?

D'ailleurs il est à observer qu'aucun de mes ministres aux cours étrangères n'est autorisé de prendre sur soi d'adopter quelque plan, sans avoir préalablement mon approbation là- dessus; de façon que, si M. d'Havrincourt eût souhaité que Rohd entrât dans ses mesures, il aurait fallu qu'il nous fît communication de son plan, afin que j'eusse pu donner mes instructions à Rohd.

Que, si la cour de Suède m'envoyait Lieven pour rapporter l'ordre dont feu le roi de Suède avait été revêtu, je ne l'en saurais empêcher; mais que milord Tyrconnell pourrait sûrement compter que je ne donnerais jamais d'autre conseil à la reine de Suède que de ne rien faire ni entreprendre de ce qui pourrait entraîner des troubles dans le Nord; que j'étais aussi intéressé que la cour de France à ce que la tranquillité dans le Nord se conservât, et que mon intérêt était d'autant plus pressant en ceci que, par la situation de mes États, je serais le plus proche pour être enveloppé dans ces troubles, s'il s'en élevait. Qu'ainsi milord Tyrconnell devait être persuadé que j'emploierais tous les moyens possibles pour étouffer tout ce qui pourrait occasionner de la guerre dans ces contrées.