<233> passer sous silence combien je reconnais la manière obligeante dont Elle a bien voulu Se prêter à la convention de commerce qui Lui a été proposée de ma part. M. de La Touche m'en a communiqué le projet,1 qui, à quelques légères explications près, est tel que je pouvais le désirer.

Votre Majesté, non contente d'assister Ses alliés pendant la guerre, a maintenu la tranquillité du Nord par Sa fermeté et protégé l'Électeur palatin par l'influence extrême que Ses volontés ont dans les affaires de l'Europe. A présent que le roi d'Angleterre croit avoir aplani les difficultés qu'il trouvait dans l'élection d'un roi des Romains de la part des Électeurs opposants, il trouve dans la roideur de la cour de Vienne un obstacle insurmontable. Il est vraisemblable que cette désunion produira entre ces Princes une mésintelligence plus ou moins forte, qui suspendra ou ralentira pour un temps les projets ambitieux qu'ils méditent.

La cour de Vienne continue cependant en Pologne de cheminer par des voies sourdes, afin de former et d'encourager un parti par lequel elle se flatte de placer le prince Charles de Lorraine sur le trône de Pologne. Il m'est revenu d'un bon lieu que par un article secret du traité de Pétersbourg l'impératrice de Russie avait promis à celle des Romains de lui fournir 30,000 hommes de secours pour soutenir ce projet. S'il arrivait que le roi de Pologne vînt à mourir mal à propos pour nous et pour les Polonais, il est sûr que l'Impératrice-Reine mettrait sans peine la couronne de ce royaume électif sur la tête de son beau-frère.

Je m'explique avec Votre Majesté avec toute la franchise et la confiance que je dois à un aussi bon allié. Voici mon raisonnement. Depuis l'élection d'Auguste 1er, c'est à main armée que les candidats de la couronne de Pologne ont pris possession de ce trône. Cet usage favorable aux usurpateurs se soutiendra sans doute; on fera élire le prince Charles par le parti des Czartoryski et on le soutiendra à main armée, fortifié du secours des Russes. La cour de Vienne pense que, si je m'oppose à cette élection, je m'attirerai sur les bras des forces supérieures, que je ne saurais résister à l'Autriche et à la Russie ensemble, et que, si je vois tranquillement domptée la Pologne, on m'enchaînera sans éprouver de résistance, de sorte que, quelque parti que je prenne, soit celui de la guerre ou celui de la paix, ils me seront tous les deux également funestes. Mais cette même cour de Vienne qui sent qu'elle pourrait disposer de la Pologne sans que je lui paraisse un voisin à redouter, cette même cour, dis-je, craint la puissance de la Porte et elle prévoit qu'elle ne peut faire tête en même temps aux Turcs et aux Prussiens.

Tant qu'on a cru à Vienne de pouvoir disposer du Grand-Visir et du Kislar-Aga, cette sécurité a fait qu'on s'est livré sans bornes aux Plus vastes projets; la sédition de Constantinople,2 surtout les morts



1 Vergl. S. 225.

2 Vergl. S. 196.