<250> de l'appui de la France que la France n'a besoin de celui de la Suède; qu'une cour qui paie des subsides à une autre, est en quelque manière en droit de se mêler de ses affaires;1 que la Suède est une république comme la Pologne, où les ministres de toutes les cours ont leurs intrigues et leurs cabales. Je ne justifie pas pour cela l'ambassadeur de France d'avoir agi en beaucoup d'occasions par prévention et d'avoir employé son ministère à des choses auxquelles il n'était pas destiné. Mais, malgré toutes les fautes qu'il a faites et qu'il fera, vous ne parviendrez pas à le faire rappeler, à cause qu'il a des amis et que ses amis se soucient fort peu des affaires, pourvu que leur parent soit ambassadeur, et que le Roi ne prête guère attention à ces sortes de choses.

Pour moi, qui n'entends rien à vos brouilleries intestines, souffrez seulement que j'ose vous rappeler des réflexions générales qu'on peut faire à Potsdam, à Paris, à Londres comme à Stockholm. C'est de vous souvenir que les Français, par leur fermeté et par l'argent qu'ils ont payé,2 ont mis la Suède en état de ne rien craindre de la Russie; c'est que dans la nécessité où vous êtes de prendre des subsides, il faut toujours vous regarder comme subordonnée à la puissance qui paie, et que le joug des Anglais que vous ne connaissez pas, est beaucoup plus rude et plus impérieux que celui des Français; c'est que vos véritables ennemis sont les Russes et les Danois; c'est que la Suède ne peut jouer un rôle dans le monde qu'en temps que les ordres de ce royaume sont unis, et que des démêlés entre le Roi et le Sénat avilissent la dignité de cet État; c'est que vos véritables ennemis se réjouissent de vos dissensions et les regardent comme les semences de de votre ruine commune, et c'est que toute l'Europe accuse déjà le Roi d'être plus ambitieux qu'il ne l'est peut-être en effet. Les politiques y ajoutent que, si la cour a des vues, il n'est pas adroit de les manifester dans un temps où, les découvrant mal à propos, elle peut par là manquer son coup.

Je vous dois la vérité et je vous la dis d'autant plus franchement que vous êtes digne de l'entendre; je n'excuse point le Sénat, lorsqu'il empiète sur l'autorité royale, mais pour le bien commun je voudrais que des deux parts on apportât des esprits plus conciliants dans ces sortes de petits démêlés et qu'on ne s'attachât pas avec trop d'attention et de l'aigreur à des bagatelles, tandis qu'on fait tort aux grandes choses.

Comptez, ma chère sœur, que ce n'est ni l'intérêt personnel, ni la politique, ni quelque considération que ce puisse être qui a quelque part à mes réflexions: je désire votre bien du fond de mon âme et je serais au désespoir que, par trop de vivacité peut-être, vous fussiez la cause de malheurs qui ne sont pas faciles à réparer. Je suis avec



1 Vergl. Bd. VIII, 525.

2 Vergl. Bd. VIII, 345.