5607. AU BARON DE SCHEFFER, SÉNATEUR DE SUÈDE, A BERLIN.

Denkschrift des Freiherrn von Scheffer,219-1 Beilage zu dessen Schreiben an den König, Berlin 25. September: „Il est certain que le ministère de France est actuellement aussi bien intentionné qu'il soit possible de l'être pour les intérêts des alliés de cette couronne; mais il n'est pas moins certain que sa faiblesse est extrême, soit par la désunion qui règne entre les ministres, soit par la médiocrité du génie de quelquesuns d'entre eux.

Il n'y a au monde que Votre Majesté seule qui puisse remédier à ce mal, par l'influence que Lui donnent en France non seulement le besoin que l'on a de Son amitié, mais encore la haute opinion que l'on a conçue de Ses lumières et de Sa grande capacité dans les affaires. Il n'est pourtant que trop vrai, comme Votre Majesté m'a fait la grâce de m'observer, que les ministres de France sont très chatouilleux, et que la crainte d'être gouvernés219-2 rend souvent infructueux les bons conseils qu'on pourrait leur donner.

Mais, outre que M. de Saint-Contest est infiniment moins susceptible de ce sentiment que ne l'a été son prédécesseur, il a heureusement placé sa confiance dans quelqu'un qui, loin d'envenimer, comme on l'a pu faire ci-devant, les choses qui viennent de la part de Votre Majesté, est occupé sans cesse à détruire l'effet des mauvaises insinuations que font souvent les ennemis communs de Votre Majesté et de la France. Je suis donc intimement persuadé que dans la situation actuelle du cabinet de France il dépend de Votre Majesté de mettre dans les négociations et dans la conduite de cette cour au dehors toute la suite, toute l'élévation et toute la fermeté qui y manquent.

Il pourra bien arriver que le ministre, dans le premier moment, réponde à une proposition d'une manière fort vague et peut-être même absolument négative. Mais si la même proposition lui est faite par écrit et qu'on lui demande une réponse par écrit, sans qu'il paraisse que ce soit par défiance, je suis encore convaincu que la réponse, alors, sera fort différente de celle qu'il aura donnée de bouche.

Je ne suis cependant pas assez téméraire pour assurer que cette précaution seule soit suffisante pour amener toujours les esprits au but désiré; mais j'ose bien garantir que, si Votre Majesté a la patience de Se prêter à la résistance qu'Elle pourra trouver dans le premier commencement d'une affaire, et qu'Elle veuille bien malgré cela persister dans Ses insinuations et y mettre toute la force des raisons qui déterminent Votre Majesté dans Sa persévérance, j'ose garantir, dis-je, qu'alors on se rendra en France à l'avis de Votre Majesté et qu'ainsi Elle aura la satisfaction de faire adopter à cette cour les bons partis qu'il y a à prendre.

Quant aux affaires de Pologne nommément, je sais de science certaine que le roi de France serait très flatté de la confiance que Votre Majesté lui témoignerait en<220> lui écrivant en droiture et en lui faisant quelques ouvertures plus particulières qu'à son ministère. Ce Prince n'est point insensible à la gloire de paraître gouverner par lui-même et surtout de voir Votre Majesté dans cette opinion.

A l'égard des finances de la France, je prends la liberté de répéter à Votre Majesté qu'elles ne sont pas à beaucoup près aussi mauvaises qu'elles sont décriées. Il y a pour cela plusieurs raisons, comme

1° La division entre M. de Machault et M. d'Argenson, qui fait que les partisans de ce dernier remplissent le public de leurs cris sur les dépenses qui se font et sur les non-payements, au sujet desquels ils disent souvent de grandes faussetés comme je l'ai vérifié en plus d'une occasion;

2° L'intérêt qu'ont la maîtresse et M. de Machault tous les deux de laisser croire souvent que les finances sont en mauvais état, afin d'empêcher les autres ministres de proposer et le Roi d'écouter des partis de vigueur dont ils craignent que les suites ne soient la guerre.

Il est pourtant incontestable que, si la France était obligée de l'entreprendre, elle ne manquerait pas d'argent. Je pourrais nommer dix à douze particuliers dans Paris qui seuls porteraient au trésor royal au delà de cent millions de livres.

Potsdam, 27 septembre 1752.

Monsieur le Baron de Scheffer. Je ressens avec toute la sensibilité que vous pouvez attendre de ma part l'attention que vous m'avez bien voulu marquer encore, en me remettant, à la suite de la lettre que vous avez pris la peine de me faire, un résumé de tout ce que vous m'avez dit d'instructif dans les agréables entretiens que j'ai [eus] avec vous. Soyez persuadé que je m'en rappellerai avec plaisir le souvenir, mais que jamais il n'en transpirera quelque chose à âme qui vive, et que je vous garderai un secret aussi religieux sur toutes les choses dont vous vous êtes ouvert confidemment envers moi, tout comme si elles étaient mises dans un éternel oubli. Au reste, comptez que je saisirai avec empressement les occasions pour vous prouver la vérité de mes sentiments et de l'estime distinguée avec laquelle je serai toujours, Monsieur le baron de Scheffer, votre bien affectionné

Federic.

Nach dem Concept.



219-1 Bisher schwedischer Gesandter in Paris. Vergl. S. 127; Bd. VIII, 440. 502. 532.

219-2 Vergl. S. 18 und Droysen, Gesch. der preussischen Politik V, 3, 345.